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La pique du jour

La pique du jour

Titel: La pique du jour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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reçu l’ordre de Philippe II, il espérait que Laon capitulerait, avant
qu’il se mît en marche, ce qui lui dispenserait d’obéir. Se peut aussi qu’il
n’était point tant pressé de s’aller mesurer avec Henri IV, tout bon
général qu’il fût, et toute brillante qu’on réputât l’infanterie espagnole,
assurément la meilleure du monde.
    En juillet, mais je ne saurais dire le jour, le roi nous
appela sous sa tente, à un conseil auquel je ne dus d’assister qu’au fait que
M. de Rosny m’avait pris dans sa suite. Il y avait là le maréchal de
Biron dont il a été jà question en ces Mémoires, le brave Givry qui devait
laisser la vie sous les murs de Laon, quelques jours plus tard, Saint-Luc,
ex-mignon du roi Henri Troisième, mais respecté de tous pour sa vaillance, le
charmant Marivault (qui avec Givry commandait la cavalerie) et enfin le rude
Vignolles dont, se peut, le lecteur se ramentoit qu’il avait occupé, par
précaution, le château de Plessis-lès-Tours lors de la très fameuse encontre et
réconciliation de Henri Troisième et du futur Henri Quatre.
    — Messieurs, nous dit le roi en marchant qui-cy qui-là
dans sa tente sur ses gambes sèches et musculeuses (lesquelles paraissaient
toujours impatientes de courre ou de bondir), je viens de m’entretenir en privé
et séparément avec trois de mes espions, lesquels ne savent rien l’un de
l’autre, ni que je les ai employés en même lieu et en même mission, à savoir à
La Fère, afin que d’attenter d’apprendre ce qu’il en était des desseins de
l’ennemi. Or, il appert de leur triple et concordant témoignage que Mansfeld a
fait jonction avec Mayenne, et qu’ils se sont résolus, avant que de tenter un
combat général, de lancer derechef un coup de main avant que de jeter dans Laon
un très grand renfort de cavalerie et d’infanterie, en même temps que quantité
de munitions, et de guerre et de bouche, cette expédition devant être forte
assez en hommes et en cavaliers pour submerger les pelotons de batteurs
d’estrade qu’elle pourrait encontrer.
    — Ils y failliront ! s’écria le maréchal de Biron,
lequel était un homme de moyenne mais vigoureuse stature, très brun de peau et
de poil, et l’œil noir fort perçant.
    Il en eût dit davantage, étant grand jaseur en sa jactance,
et parlant plus haut et plus longuement que n’importe qui, si le roi n’avait
donné la parole à Vignolles.
    — Sire, dit Vignolles, se peut le plus expérimenté
capitaine hormis Biron de tous ceux qui se trouvaient là, d’où vient que
Mansfeld ne nous attaque pas tout de gob avec toutes ses forces ?
    — D’après mes espions, dit Henri avec un petit
brillement de l’œil, la raison qu’il en donne, c’est que ses forces sont
harassées du chemin qu’elles ont fait des Flandres à La Fère, et qu’elles se
doivent de prime rafraîchir avant le combat général. Mais, en mon opinion, la
véritable raison, c’est que Mansfeld est fort ménager de ses forces, n’ayant
pas deux armées – l’une pour maintenir sous le joug les Flandres et
l’autre pour tâcher de nous y mettre – mais, à la vérité, une seule. C’est
pourquoi il attente à me faire lever le siège de Laon aux moindres frais en
jetant vivres, hommes et munitions dans la place.
    — Et s’il échoue, dit Marivault, croyez-vous, Sire,
qu’il se résoudra à un combat général avec toutes ses forces et celles de
Mayenne ?
    — Se peut que non, dit le roi à sa manière gaussante,
mais l’œil fort aigu. Se peut que oui. Se peut qu’il tâche à recommencer la
très adroite manœuvre du duc de Parme qui, se présentant avec de grandes forces
devant Paris pendant que je l’assiégeais, m’amena à lever ledit siège, jeta
alors dans la ville hommes et munitions en quantité, après quoi, se dérobant
devant moi sans combattre, fit retraite dans ses Flandres.
    — J’entends bien, dit le brave Givry, qui, ayant étudié
la mathématique, n’était jamais content qu’on n’eût mis clairement à plat que
deux et deux faisaient quatre, que vous ne lèverez en aucun cas le siège de
Laon ?
    — En aucun cas ! dit le roi avec force. Entendez
aussi que même si Mansfeld est très ménager de son armée, et n’y va que d’une
fesse, gardant l’œil constamment sur ses Flandres, toute bataille où se bat
l’infanterie espagnole est pour nous redoutable. C’est à Biron, poursuivit le
roi sans laisser les esprits

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