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La pique du jour

La pique du jour

Titel: La pique du jour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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s’attarder trop longtemps sur ce péril, que je
confie l’exploit d’embûcher l’expédition de Mansfeld et de l’emberlucoquer.
Maréchal de Biron, vous aviserez de prendre telles troupes en tel nombre que
vous jugerez le meilleur, et départirez, dès que prêt.
    À un certain air de fugitive tristesse dont je saisis le
reflet sur sa face au moment de quitter sa tente, j’entendis que le roi, aussi
fougueux et aventureux qu’en sa vingtième année, était bien marri de ne pas
prendre lui-même le commandement de la contre-expédition et, qui plus est, de
la laisser aux mains de Biron, lequel, s’il y réussissait, outrecuiderait
jusqu’aux nues sa naturelle outrecuidance, et l’enflerait au point où, son
esprit d’intrigue et brouillerie aidant, il deviendrait un danger pour le
trône. Mais le roi savait où était sa place : à la tête du gros de son
armée devant Laon, d’où il ne voulait à aucun prix déloger – et pas même à
courre cueillir des lauriers dans une embûche.
    M. de Rosny voulut être à toutes forces de ce
combat, et le roi le lui refusant de prime pour ce que M. de Rosny,
revenant de Paris, avait encore beaucoup de choses à lui apprendre, Rosny
revint à la charge trois fois, et la troisième fois, l’emporta, m’entraînant
dans son sillage, comme étant de sa suite, sans que j’y eusse, de reste, le
moindre appétit, n’estimant pas que ma meilleure usance au service du roi fût à
brandir l’estoc. Pour M. de Rosny, outre qu’il était naturellement
affamé de gloire, il ne pouvait qu’il n’y allât point, le roi lui ayant promis
la charge de grand-maître de son artillerie. Ce qui fait que s’il n’avait pas
intrigué pour être de la partie, toute la Cour eût dit qu’il avait les ongles
un peu pâles pour un grand maître. Ainsi en va-t-il de la vaillance de nous
autres gentilshommes : il faut bien que nous la fassions apparaître,
puisqu’on l’attend de nous. Et moi-même qui n’ai pas la tripe chattemitesse,
j’arborai toutefois un front riant devant mes gens, tandis que, revenu sous ma
tente, je m’armais en guerre.
    Biron, qui, maugré ses insufférables fanfaronneries,
connaissait bien le métier des armes, choisit pour son embûche le dessus du
panier : mille deux cents hommes de pied à l’élite et huit cents Suisses,
ce qui faisait deux mille fantassins et, pour la cavalerie, trois cents
chevau-légers, deux cents hommes d’armes et cent gentilshommes pour être près
de lui, la plupart de la maison du roi.
    Nous départîmes vers les six heures du soir et prîmes le
grand chemin de Laon à La Fère, lequel passe par une forêt que nous traversâmes
de bout en bout, nous arrêtant, d’ordre de Biron, à son orée, à deux ou trois
lieues de La Fère et nous établissant là, hors vue et sans noise aucune, Biron
détachant seulement quelques vedettes sur ses ailes et en avant pour nous
éclairer.
    Ha ! lecteur ! Quelle mortelle attente ce
fut ! Et quel prodigieux rangement d’ongles et grattement de tête que ce
métier des armes qui, pour une minute d’action, vous contraint à cinquante
minutes d’ennui ! Vingt heures, je dis bien ! vingt heures !
nous demeurâmes en embûche à cette orée de bois, sans gloutir rien que de
froid, sans déclore le bec, sans nous décuirasser, dormant d’un œil, mâchant
des brindilles arrachées aux arbres pour nous occuper, ou tâchant de faire
battre entre elles les fourmis de deux fourmilières. Nous y faillîmes, de
reste, les unes et les autres ayant leurs provinces, leurs itinéraires et leurs
souterraines citadelles, tant est que dès qu’on les mettait face à face, elles
s’en retournaient, plus sages que nous, en leur respectif logis, refusant
obstinément de s’affronter. Il est vrai que les fourmis n’ayant pas de religion
et partant pas d’hérétiques, elles n’ont aucune raison de se vouloir
exterminer.
    À la parfin, à quatre heures du soir, nos éclaireurs
accoururent nous dire qu’ils avaient découvert sur le grand chemin de La Fère à
Laon une si longue file de gens de guerre qu’ils cuidaient que c’était là toute
l’armée ennemie qui nous venait faire le poil. À cette nouvelle, d’aucuns de
nous – que je ne nommerai point – chuchotaient jà qu’il fallait faire
retraite, mais M. de Biron opiniâtra au rebours, et dépêcha à
reconnaître le judicieux sire de Fouqueroles, lequel revint à brides avalées
nous dire que ce qui faisait une

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