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La pique du jour

La pique du jour

Titel: La pique du jour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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force, n’attendant plus
pour cela que l’advenue de quelques troupes qui sous peu les doivent joindre et
renforcer.
    À cela, je vis bien que les vaillants capitaines dont j’ai
jà parlé – Biron, Givry, Marivault, Saint-Luc, Vignolles et deux ou trois
autres encore dont je ne me ramentois pas les noms – furent béants et
quasi incrédules, cuidant en avoir fini avec Mansfeld, n’osant toutefois
contredire le roi, ses espions l’ayant jà, à deux reprises, si bien averti de
ce qui se tramait à La Fère. Mais le maréchal de Biron, quasiment offensé en sa
superbe de ce que l’Espagnol ne se tînt pas pour vaincu par lui, leva haut la crête,
et dit avec un air d’insufférable hautaineté :
    — Sire, vos espions sont des marauds qui puisent leurs
rapports dans le vin de leurs coupes. Raison pour quoi je les décrois tout à
trac, l’Espagnol a été battu par moi, Biron, sur le grand chemin de Laon à La
Fère, et quiconque est par Biron battu, ne s’y revient pas frotter.
    Il y eut à cela qui-cy des sourcillements, qui-là des
sourires, les autres capitaines voyant leur part dans la victoire réduite à
néant par cet outrecuidant, et quant à moi, tant plus je voyais Biron et tant
moins je l’aimais, et en particulier ses yeux, lesquels s’encontraient
extraordinairement enfoncés dans l’orbite. On eût dit qu’il les avait voulu
reculer et cacher le plus qu’il se pouvait, afin qu’on n’y pût pas lire ce qu’il
avait dans l’âme, et qui n’était jamais bien beau, en mon opinion. Cependant,
en toute justice, je voudrais dire qu’avant d’être décapité, huit ans plus
tard, à la Bastille pour avoir trahi le roi et la Nation, Biron recommanda
qu’on donnât à une garce qu’il avait engrossée une maison qu’il possédait près
de Dijon et une somme de six mille écus pour élever son fruit. Preuve qu’il y
avait encore quelques coins blancs en sa noirceur…
    Pour en revenir à la présente dispute, le roi fut assurément
fort rebroussé par la présomption de Biron, mais ayant pris de longtemps la
mesure de son maréchal, il ne sourcilla ni ne sourit, et dit, la face
imperscrutable :
    — Je voudrais néanmoins en avoir le cœur net. Givry,
prenez trois cents chevaux. Prenez-les des plus rapides et des mieux reposés de
l’armée. Courez battre l’estrade aussi près que pourrez de La Fère et ne
revenez que vous ne soyez assuré des desseins de l’ennemi.
    Le roi avait choisi le pauvre Givry (lequel, comme tu sais,
lecteur, n’avait plus que deux semaines à vivre) pour ce qu’il était le maître
de camp de la cavalerie légère, en outre très aimé et très estimé de
Sa Majesté, étant fidèle, modeste, industrieux, bien fait de sa personne,
la face belle, plein d’esprit, sachant le grec et le latin, et fort versé aussi
dans les mathématiques : rare mérite, cette science étant tombée en France
quasi en désuétude, la Sorbonne la tenant en grand déprisement.
    M. de Givry partit trois heures après avoir reçu
le commandement du roi, et revint trois jours plus tard, assurant qu’il n’avait
vu aucun ennemi au-delà de la rivière d’Oise, ce qui laissait conjecturer que
Mansfeld inclinait plutôt soit à demeurer à La Fère sans attaquer, soit plutôt
à reprendre la route des Flandres. Quoi oyant, le roi se relâcha quelque peu de
sa vigilance et à midi décida d’aller visiter en Saint-Lambert une métairie
qui, si loin qu’elle fût du Béarn, faisait néanmoins partie du domaine de
Navarre, et dans laquelle, enfant, il s’était régalé de fruits, de fromage et
de crème, Sa Majesté se délectant, en outre, dans le pensement qu’il
allait revoir les lieux qu’il avait tant chéris en ses vertes années.
    Le roi n’amena pas avec lui plus de trente chevaux, mais
accompagnant M. de Rosny, je fus de la partie, et je m’ébaudis fort à
voir Sa Majesté parcourir les étables, les écuries, les potagers et les
vergers, s’exclamant avec bonheur qu’il reconnaissait tout. Il prit sa repue
avec les bonnes gens qui ménageaient cette métairie, mais une fois qu’il eut
glouti son frugal repas, et combien qu’on fût à peine dans le milieu du jour,
il se jeta tout botté sur un lit et s’ensommeilla en un clin d’œil, étant las
de s’être réveillé, la nuit précédente, pour visiter les tranchées et les
batteries.
    Pour M. de Rosny, trouvant les rais du soleil, en
cette fin de juin, âprement chaleureux, il décida

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