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La polka des bâtards

La polka des bâtards

Titel: La polka des bâtards Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Stephen Wright
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heures, l’enveloppe de ténèbres fut
enfin consumée, il marchait nonchalamment entre les solides piliers d’une vaste
pinède, dont l’ombre parfumée l’abritait un moment de la chaleur croissante. Et
puis, comme par hasard, il distingua, enfouie dans l’enchevêtrement des bois,
l’inimitable géométrie d’une demeure humaine. Prudemment, le fusil pointé, il
s’approcha de ce qui se révéla, sous un camouflage maladroit de feuilles et de
branches, une minuscule cabane, dont le toit penchait dangereusement comme sous
la pression d’une main de géant.
    « Arrête, ordonna une voix flûtée dans son dos. Jette
ton arme et tourne-toi, que je puisse te zyeuter. »
    Liberty lâcha bruyamment son fusil, leva les mains et pivota
lentement. À une vingtaine de mètres surgit, de derrière un rocher moussu, un
homme aux favoris roux pas plus grand qu’un gosse. Il portait une casquette
cabossée, une chemise de flanelle et un pantalon qui s’arrêtait à
mi-mollet : sa peau glabre était d’un jaune malsain, ses yeux pâles comme
des copeaux de bois. Le vénérable Enfield qu’il tenait dans ses mains d’enfant
était pointé sur la poitrine de Liberty.
    « Que Dieu me rende chèvre ! s’exclama-t-il, les
deux lunes de ses yeux scintillant soudain de mille points lumineux. Un Yankee,
un vrai ! Dis quelque chose, je veux entendre à quoi ça ressemble, une
voix de Yankee.
    — Baissez votre arme, répliqua Liberty d’une voix si
étonnamment calme qu’il eut du mal à la reconnaître. Il y a toute une armée
derrière moi, et vous ne tarderez pas à en entendre, des Yankees.
    — T’as un drôle d’accent. Boston ou New York ?
demanda l’inconnu, son fusil toujours braqué sur Liberty.
    — Fish. Ça ne vous dérangerait pas de baisser votre
arme ?
    — Fish ? Jamais entendu parler de cette ville.
C’est où, au juste ?
    — C’est mon nom.
    — Ah ouais ? J’ai connu un Fish à Atkins Bend. Il
s’est pendu avec une chaîne d’esclave quand sa femme est partie avec le fils du
colporteur. T’es de la famille ? »
    Liberty haussa les épaules. « Je crois qu’il y a des
Fish dans toutes les mers du globe.
    — Elle est bien bonne, mon petit gars, répliqua
l’inconnu en gloussant dans sa barbe. J’ai toujours su que vous étiez des
malins, vous les Yankees. » Il abaissa son arme et s’avança, la main
tendue. « Ellsberry Simms, pour vous servir.
    — Liberty Fish. »
    Sa poignée de main était étonnamment ferme et vigoureuse.
    « Avec ce blaze, y a de quoi étouffer un tyran. Allez,
entre. J’ai quèq’chose à te montrer.
    — Est-ce que j’ai le droit de reprendre mon
fusil ?
    — Laisse-le là où il est. Personne va y toucher. Aucun
risque, par ici. »
    Liberty prit un air sceptique. « C’est la propriété de
l’armée des États-Unis. J’en suis responsable.
    — Dans ce cas, dit Simms en se penchant pour le
ramasser, je voudrais surtout pas que le général Sherman te fasse des problèmes
à cause de moi ! M’est avis que t’as déjà bien assez de problèmes comme
ça… Viens, suis-moi. » Et il disparut, par une porte excessivement basse,
dans l’intérieur pittoresque de sa cabane rudimentaire.
    La pièce unique, si étroite qu’un homme aurait pu effleurer
deux murs en tendant les bras, était d’une propreté aussi impeccable
qu’inattendue, les murs chaulés d’une blancheur aveuglante, le plancher
soigneusement balayé et verni, et la cheminée briquée surplombée d’un drapeau
américain immaculé et d’une lithographie sous cadre du président Lincoln. Au
centre de la pièce, il y avait une table nue et deux chaises où ils s’assirent
solennellement face à face.
    « T’as du café ? » demanda Simms.
    Liberty secoua la tête. « Désolé.
    — Je m’en doutais, mais ça coûte rien de demander, pas
vrai ?
    — La dernière fois que j’ai goûté du vrai café, ça
remonte à deux ou trois semaines.
    — Je croyais que vous autres, les Yankees, vous vous
déplaciez avec tout votre barda, les sacs de café en grains et le moulin
à café ; mais vous, mon cher monsieur Fish, vous m’avez l’air de même pas
avoir une croûte de pain planquée sous le chapeau.
    — Je crains fort qu’on ne vous ait mal informé sur la
prodigalité de notre intendance. En fait, dans notre armée, on ne transporte
guère plus que ses effets personnels. Nous sommes censés vivre sur le pays,
conformément aux instructions du

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