Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La polka des bâtards

La polka des bâtards

Titel: La polka des bâtards Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Stephen Wright
Vom Netzwerk:
peu plus haut, à une dizaine de kilomètres. Je suppose que vous passerez à
côté de chez lui, dans votre mystérieux voyage », conclut-elle en
regardant du coin de l’œil son jeune visiteur.
    Liberty éclata de rire. « J’apprécie votre
discrétion : vous avez attendu longtemps avant d’aborder le sujet.
    — Eh bien, je ne suis qu’une compagnarde, et je ne
connais pas grand-chose aux affaires militaires, mais j’en sais assez pour
comprendre qu’un soldat isolé comme vous, qui s’aventure seul en terrain
dangereux, n’a pas envie qu’on lui pose trop de questions sur ses motifs ou sa
destination. »
    Liberty lui fit un léger signe de tête. « Là encore, je
rends hommage à votre délicatesse.
    — Il n’empêche que je suis curieuse, à titre purement
personnel, de connaître la nature de votre mission dans notre bel État de
Géorgie.
    — Ma mission, madame, c’est de quitter votre bel État
de Géorgie le plus vite possible. Est-ce que je vais dans la bonne
direction ?
    — Prenez n’importe quelle route : si vous allez
assez loin, elle vous mènera hors de Géorgie.
    — Au temps pour moi ! Inutile de jouer au plus fin
avec une femme comme vous.
    — Une femme qui vit seule, et qui ose avoir des pensées
incongrues ?
    — On ne peut rien vous cacher : vous lisez en moi,
et je suis écrit gros.
    — Et les dames du Nord, elles ne pensent donc
pas ? »
    Il sourit. « Oh, si, elles pensent. Beaucoup de
pensées, chez beaucoup de femmes.
    — Et je parie que vous en connaissez pas mal.
    — Non, pas tant que ça », et il se sentit rougir.
C’était sa mère avant tout qu’il avait en tête ; et il oscilla un temps au
bord du gouffre : tout avouer à cette presque inconnue. Mais quelque chose
le retint de se laisser tomber dans les bras de sa compassion.
    « Pourquoi êtes-vous si impatient d’arriver en Caroline
avant les autres ? Vous comptez libérer cet État tout seul ? »
    Alors, après une phase préparatoire où il s’éclaircit
nerveusement la gorge – il avait l’impression d’être transparent sous son
regard intense –, il relata les faits essentiels de la pittoresque saga
des Fish, en offrant maints exemples du tissu emmêlé d’accidents et de mésaventures
qui l’avait conduit de son Nord bucolique jusqu’au seuil hospitalier de cette
demeure, mais sans lui révéler l’événement crucial qui avait provoqué cette
odyssée vers l’antique domaine maternel dans les marais de Caroline, se
contentant de dire qu’il souhaitait rencontrer les grands-parents qu’il n’avait
jamais vus.
    « J’espère que vous les trouverez en bonne santé, dit
Olivia, qui manifestement avait la tête ailleurs.
    — Oui », fut tout ce qu’il put répondre.
    Il s’ensuivit un silence interminable et gêné, que finit par
briser Liberty. « Je suis navré, pour votre père. »
    Olivia frotta son visage las. « Moi aussi. Mais
qu’est-ce qu’on peut y faire ? Surtout quand on est une femme usée comme
moi… » Elle parut s’absenter d’elle-même. Lorsqu’elle reprit la parole, ce
fut d’une voix si douce qu’il dut se pencher pour l’entendre. « Il va me
manquer.
    — Il m’a fait l’effet d’un homme remarquable, dit
Liberty en se contorsionnant sur son siège.
    — Il adorait les gâteaux, dit Olivia dans un petit
sourire triste. Et les pêches. Il adorait manger et il adorait contredire.
Parfois, c’était à se demander si son esprit de contradiction n’était pas un
rôle, une pantalonnade pour amuser la galerie, et pour l’amuser, lui. Le soleil
se couche, observa-t-elle face à la tache noire qui maculait le ciel de l’est.
Vous pouvez dormir ici, si vous voulez.
    — À vrai dire…
    — C’est toujours mieux qu’une flaque de boue sur le
bas-côté de la route.
    — Certes, madame… je veux dire : Olivia.
    — Et il vous faut des vêtements. Vous ne pouvez pas
crapahuter dans le pays dans cette satanée tunique bleue.
    — Mais si je suis en civil, on risque de me fusiller
comme espion.
    — Tel que vous êtes, vous vous ferez abattre comme
soldat ennemi. »
    Elle lui dénicha quelques vieux habits de son mari, une
chemise rapiécée trop grande de plusieurs tailles et un pantalon qu’il ne
pourrait faire tenir qu’avec une ficelle, puis elle lui raconta que son cher
Peter s’était précipité au premier coup de clairon, qu’elle n’avait plus reçu
de lettres depuis des mois, sans savoir si

Weitere Kostenlose Bücher