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La polka des bâtards

La polka des bâtards

Titel: La polka des bâtards Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Stephen Wright
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disséminées sur la pelouse, comme si la terre elle-même était entrée
en éruption, une éruption de larmes.
    « Mon rhumatisme se réveille avec l’humidité, se
plaignit Maury, qui se cramponnait à l’épaule de son petit-fils pour descendre
laborieusement de la véranda. Bien dormi ?
    — Apparemment, concéda Liberty, qui n’avait pas entendu
tomber une seule goutte.
    — La pluie sur le toit : un réconfort, un élixir
de vie pour le voyageur las ! Combien de fois, vanné et courbatu, n’ai-je
pas piqué du nez, même dans un logement étranger et tragiquement indigne de
moi, en entendant la douce berceuse d’une ondée vespérale ! J’imagine que
cela nous rappelle le ventre maternel, ou quelque chose du même tonneau.
    — Comment va Grand-mère aujourd’hui ?
    — Je n’en sais rien. C’est Elsie qui s’occupe d’elle,
et elle fait un boulot impeccable. Je n’ai pas dormi dans la même chambre que
ma femme depuis le débat fiscal de 1832. Attention où vous
marchez ! » Il le tira brusquement pour lui éviter un tas
impressionnant de crotte de chien. « Une bonne saucée, et cet endroit se
transforme en une usine à merde. De tous types et de toutes formes. En voilà un
filon ! La récolte est assurée… » Il éclata d’un rire sans joie.
« Je réussirais sans doute mieux là-dedans que dans ce foutu coton. Le
champ là-bas est infesté de rouille, ajouta-t-il en désignant un point entre
les arbres. Et celui-là, de chenilles. Et je viens d’apprendre qu’une des
égreneuses est encore tombée en panne, donc il n’y en a que deux qui marchent
aujourd’hui. Si je n’étais pas déjà fou, mes efforts futiles pour tirer un
profit minimal de ces fainéants et de cette terre exsangue m’auraient conduit à
l’asile depuis des années. Vous voyez ces plants ? » Il indiqua au
loin plusieurs arpents désherbés où ondulaient des rangées de terre et de
paille. « Ce sont mes pommes de terre. Hautement comestibles. Les
meilleures patates de toute la Caroline. Comme vous pourrez le constater à
table. Ah, nous y voici. » Il avait conduit Liberty, à travers la boue et
la brume, à une longue cabane étroite et érodée, dont émanaient des effluves
malodorants et tous les sons insoutenables que peuvent produire des êtres
humains souffrants. « L’infirmerie », annonça-t-il avec l’emphase
d’un majordome.
    « Qu’est-ce que c’est que ce raffut ? »
tonna-t-il en franchissant un rideau crasseux de lin élimé.
    Une femme épuisée, à l’œil laiteux, à la joue marquée au fer
rouge des lettres A M, se précipita. « C’est Goldie, Maître,
elle a les boyaux qui la torturent et ça lui fait un mal terrible.
    — Et alors, qu’est-ce que tu veux que j’y fasse ?
Fais bouillir des racines ou des herbes à purger et verse-lui dans son gosier
geignard.
    — C’est déjà fait, Maître, mais elle empire.
    — C’est ce qu’on va voir. Goldie, où es-tu ?
Goldie ! »
    De la masse de femmes, d’enfants, de bébés hurlants et
gémissants, tous uniformément tartinés, de la plante des pieds au sommet du
crâne, d’une telle croûte de matière biologique et minérale qu’il était
flagrant que, depuis des semaines voire des mois, leur peau n’avait pas vu
l’ombre d’un bout de savon, émergea une timide jeune femme dans un calicot
taché et fendu dans le dos.
    « Alors, demanda Maury sans méchanceté, où est-ce que
tu as mal ? »
    Elle désigna craintivement son ventre.
    « Relève ta robe. »
    Il retira une longue clef du trousseau à sa ceinture et lui
en appuya fermement le bout sur divers points de son estomac et de son abdomen
en demandant chaque fois : « Là, ça fait mal ? Et
là ? » ; et chaque fois elle secouait la tête.
    « Elle n’a rien, conclut-il. Je veux qu’elle soit aux
champs à midi au plus tard.
    — Mais, Maître, plaida la guérisseuse, elle peut à
peine marcher.
    — Tu es sourde ? Tu n’as pas entendu ce que j’ai
dit ? Je devrais peut-être faire venir le Dr Cooper, hein ? Demander
au vieux Coop de vous examiner toutes, bande de fumistes ! Qu’est-ce que
tu en dis ?
    — Allons, allons, Maître, on n’a pas besoin que ce
vieux fou vienne traîner ici. Ma médecine vaut bien la sienne. Je vais
peut-être faire à Goldie un cataplasme de térébenthine et de graine de
châtaigne. J’ai pas encore essayé ça.
    — Oh, vraiment ? Je pensais bien que ta cervelle
de cacahuète

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