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La polka des bâtards

La polka des bâtards

Titel: La polka des bâtards Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Stephen Wright
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J’espère ne jamais revoir une scène aussi atroce.
    — Et Mère ?
    — Elle a aidé à guider les sauveteurs. Puis c’est elle
qui a ordonné à M. Trotter de tirer. Elle a dit : “Un chien sans son
maître n’est qu’une chose inutile.”
    — Ce n’est pas vrai de ce bon vieux Paddy. » Val caressa
la tête du chien à sa droite. « Ni de Luke, d’ailleurs. » Il caressa
la tête du chien à sa gauche, puis laissa chaque bête tour à tour lui lécher la
bouche goulûment.
    « Tu es tellement vulgaire ! remarqua Roxana. Ce
n’est pas en te comportant comme ça que tu gagneras le cœur d’une belle. Quelle
femme voudrait embrasser des lèvres toutes gluantes de bave de
chien ? »
    Val haussa un sourcil. « J’en connais.
    — Tu ne vas pas encore me casser la tête avec cette
horrible Abigail Moses ? Je la déteste. Je ne veux même pas entendre son
nom maudit.
    — Eh bien, ma chère sœur, tu vas peut-être devoir
t’habituer non seulement à entendre son nom, mais aussi, je le crains, à
supporter très souvent sa présence – et d’ici peu. »
    Il fallut quelques instants à Roxana pour assimiler ces
paroles ; enfin son visage pâle et juvénile atteignit un degré de pâleur
que seule permet d’ordinaire l’application de cosmétiques raffinés. « Tu
n’es pas… ? » balbutia-t-elle.
    Val eut un sourire indulgent. « Je l’aime.
    — Mais c’est une coquette et une tête de linotte, qui
rien que cette année a déjà rejeté une bonne douzaine de prétendants.
    — Sauf moi. »
    Elle le dévisagea d’un air curieux, puis perçut d’un coup ce
qui se dissimulait depuis si longtemps dans son expression. « Oh, mon
frère ! s’exclama-t-elle en le serrant dans ses bras. Pardonne-moi, je
t’en prie. Je ne savais pas. Je te souhaite tout le bonheur du monde, tu le
sais.
    — Je le sais, et je t’en souhaite autant. Et cela ne
changera jamais. » Il regarda les flaques de sang à ses pieds. « Et
maintenant, qui, dans ce beau pays, vais-je donc pouvoir convaincre de
consacrer son temps à nettoyer cette saleté ?
    — Demande à Milla. Pour toi, elle acceptera. »
    Val éclata de rire. « Elle pourrait, effectivement.
Enfin, elle pourrait si elle était encore là. Elle s’est enfuie cette nuit, si
j’ai bien compris.
    — Encore ? s’écria Roxana, aussi étonnée de son
courage obstiné que de la fréquence de ses fugues.
    — Cette fois, personne n’a pris la peine de partir en
chasse. Elle sera de retour d’ici le coucher du soleil, selon Père, et je crois
qu’il a raison.
    — Où va-t-elle, d’après toi ? » Elle
n’arrivait même pas à imaginer qu’on puisse ainsi s’aventurer nuitamment dans
les marécages, sans le moindre bagage. Que manger ? Où dormir ? Un
tel acte était insondable et profondément troublant.
    « Ah, qui sait ? Elle a sans doute un fiancé à
Pettigrew’s Landing. »
    Cette idée fit tressaillir Roxana. Aussitôt, elle crut voir
Milla se faufiler dans les ténèbres, guettant le bruit de la meute, les
serpents et les alligators, tout cela pour être près d’un homme qu’elle devait
aimer intensément. Comment s’appelait-il ? À quoi ressemblait-il ?
Lui arrivait-il de se glisser jusqu’ici ? Tous ces risques endurés, tous
ces dangers défiés, c’était la magie de l’amour. Une force plus grande que
toutes les chaînes, que tous les fers. Elle se demanda si sa propre vie,
tellement protégée, accueillerait jamais pareille expérience. Elle se demanda
combien de temps elle devrait patienter.
    Val scrutait la constellation de gouttes de sang sur la
marche comme si, tel un augure, il pouvait y lire le nom de la personne
disposée à la faire disparaître. Il leva les yeux vers sa sœur.
« Sali ? » suggéra-t-il.
    Roxana secoua la tête. « Je ne suis pas sûre qu’elle
puisse se pencher jusque-là, avec ses rhumatismes. Non, mon cher frère, cette
bêtise-là, tu devras la réparer toi-même.
    — Va me chercher un torchon.
    — Il n’en est pas question. Va le chercher toi-même.
Moi, je vais aller jeter un coup d’œil au jardin. »
    En contournant la maison, elle passa sous la fenêtre du
bureau de son père, et se retrouva plongée dans une cacophonie alarmante de
voix conflictuelles. Elle s’arrêta et entendit son père déclarer, de ce ton
froid qu’elle haïssait : « Je vais te dire à qui tu es marié et à qui
tu n’es pas marié, et je me moque de savoir ce

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