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La polka des bâtards

La polka des bâtards

Titel: La polka des bâtards Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Stephen Wright
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qu’a raconté Mama Jo. Qui dirige
cette plantation, elle ou moi ? Franchement, j’en ai plein le dos de toi
et de tes semblables, toujours à m’expliquer comment je dois mener mes
affaires. Et tant que tu es ici, tu es ma propriété. Et tu fais partie de mes
affaires. C’est compris ? »
    Il y eut un marmonnement inintelligible.
    « Et maintenant, fous le camp de mon tapis et disparais
avant que je sois obligé d’aller chercher la cravache. »
    Roxana entendit le silence, puis une porte qui se refermait,
et elle reprit son chemin. Les fleurs qu’elle avait plantées quelques mois plus
tôt à peine s’épanouissaient magnifiquement, et leurs têtes bourdonnaient de
couleurs. Une femme noire vêtue de toile à sac était installée à l’ombre,
assise à même le sol contre le tronc de l’arbre à chapelets, les mains dans son
giron, paumes en l’air. Elle jeta à Roxana un long regard accablé. « Je
suis tellement fatiguée, Maîtresse. J’voudrais me lever, mais j’suis trop
fatiguée.
    — Ne t’en fais pas, Chloe. Ne bouge pas. Je suis juste
venue jeter un coup d’œil au jardin.
    — Elles sont bien jolies, vos fleurs, Maîtresse.
    — Oui, c’est vrai. » La simple contemplation des
fleurs semblait ouvrir en Roxana un parterre de couleurs, un endroit doux et accueillant
où elle aussi pouvait se recroqueviller, se reposer. « Chloe, ça te
plairait d’avoir un joli bouquet de fleurs pour toi toute seule ?
    — Oh, oui, Maîtresse, ça me plairait beaucoup.
J’aimerais bien avoir quelque chose de joli dans ma maison. » Et au prix
d’un effort haletant elle fit mine de se lever.
    « Non, Chloe, ne bouge pas. Je vais chercher le
sécateur. »
    En s’approchant de la véranda de derrière, elle vit sa mère
royalement campée sur le seuil, un mouchoir parfumé noué sur le nez et la bouche.
« Roxana, dit-elle, si nous avons des serviteurs, c’est pour qu’ils nous
servent, et non l’inverse. Qu’est-ce que tu fabriques ? Je t’interdis
d’offrir des fleurs à Chloe comme un prétendant énamouré. Ces gens-là sont déjà
assez gâtés sans que mes enfants leur offrent des cadeaux romantiques. »
    Roxana frôla sa mère pour gagner la porte en disant :
« Je croyais que vous étiez allongée dans votre chambre.
    — Et comment veux-tu que je me repose dans cette
maison, avec tous ces cris ? Et tous ces cueilleurs qui vont et
viennent ! Leur odeur suffit à nous accabler de je ne sais quelles
terribles maladies.
    — Si vous les encouragiez à prendre un bain plus
souvent, vous n’auriez pas ce problème.
    — Entreprise futile, mon enfant. Dès qu’il s’agit de se
mouiller, ils sont pires que des chats. »
    Roxana entendit le boum-boum-boum décidé des bottes
paternelles traversant le vestibule. « Mon bébé ! s’écria-t-il en
écartant les bras pour enserrer sa fille dans une étreinte d’ours. Pourquoi
n’es-tu pas venue saluer ton papa en rentrant ? Tu m’as manqué.
    — Je vous croyais occupé. Je ne voulais pas vous
déranger.
    — Tu ne me déranges jamais, Roxana, tu le sais bien.
T’es-tu bien amusée en ville ?
    — Non, intervint sa mère, cela n’avait rien d’amusant
pour nous. Partout où nous sommes allées, il n’était question que de cette
terrible affaire Middleton. Cela m’a donné une migraine dont je ne suis pas
encore remise.
    — Triste histoire, en effet, dit Père. Et maintenant,
les gens sont surexcités dans tout le pays. Je crains qu’il ne faille être plus
vigilants encore dans les semaines qui viennent. M. Dray vient de
m’informer que Nicodemus l’a menacé deux fois hier et une fois encore ce matin,
même après avoir reçu trente-neuf coups de fouet.
    — Peut-être, remarqua Roxana, que personne ne
menacerait M. Dray s’il n’était pas si prodigue en coups de fouet. »
    Asa Maury tapota la tête de sa fille d’un geste indulgent de
patriarche. « M. Dray a pour tâche de superviser les cueilleurs et
d’administrer les châtiments qu’il juge appropriés. Crois-moi, mon enfant, il
sait ce qu’il fait.
    — Je monte, annonça Mère. Je souhaite ne pas être
dérangée avant le dîner. » Elle s’éloigna dans le vestibule telle une
statue tractée sur roulettes. Puis on entendit son pas pesant négocier
l’escalier marche par marche.
    « Elle ira mieux dès qu’elle aura pris son médicament,
remarqua Père. Ces expéditions, si brèves soient-elles, deviennent un calvaire
pour

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