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La polka des bâtards

La polka des bâtards

Titel: La polka des bâtards Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Stephen Wright
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elle.
    — Elle avait l’air d’aller bien, jusqu’à notre
retour », répondit Roxana, qui avait observé en d’innombrables occasions
ce phénomène maternel. Et appris qu’il était prudent et pragmatique de ne guère
tenir compte du comportement de sa mère, particulièrement de ses doléances.
    « Cooper est passé en ton absence.
    — Ah oui, fit Roxana d’une voix lasse.
    — C’est un jeune homme très bien.
    — Je n’en doute pas. » Ses mains commencèrent à
s’agiter.
    « Il a dit qu’il repasserait demain à trois heures.
    — Fort bien.
    — Je veux que tu le reçoives. Je veux que tu sois
polie. Je veux que tu prennes en considération ses sentiments. »
    Elle regarda son père dans les yeux. « Et les miens,
qui s’en soucie ?
    — Oh, fit Asa d’un air dédaigneux, tu es trop jeune
pour connaître tes propres sentiments.
    — Alors je doute de pouvoir progresser en ce domaine
tant que je serai entourée de gens aussi condescendants.
    — Ne prenez pas ce ton avec moi, Miss Roxana. Je ne le
tolérerai pas.
    — Et que ferez-vous ? répliqua-t-elle du tac au
tac. Vous me donnerez le fouet ? »
    Sans hésiter ni réfléchir, Asa tendit la main et gifla
violemment sa fille. « Personne n’a le droit de me parler ainsi, pas même
la chair de ma chair. »
    Roxana dévisagea son père, abasourdie, le visage ruisselant
de larmes semblables à des gouttes d’huile. Tout son corps se mit à trembler.
« Je vous déteste, clama-t-elle. Je vous déteste de tout mon cœur. »
Puis elle tourna les talons, traversa en trombe le vestibule tandis que son
père appelait : « Roxana ! Roxana ! », et grimpa
l’escalier jusqu’à sa chambre, où elle trouva Ditey endormie sur son lit,
couchée en chien de fusil. « Sors de là ! hurla-t-elle. Sors de là
tout de suite ! » Elle se retint tout juste de la frapper. La jeune
fille, effrayée, sursauta en gémissant : « Pardon, Maîtresse, je me
reposais juste une minute. – Sors de là ! » À ce nouveau
hurlement, Ditey contourna fiévreusement Roxana et fila dans le couloir. Roxana
claqua la porte, mit le verrou et se jeta sur son lit, prise de sanglots
incontrôlés. Elle était incapable de penser. Elle ne ressentait qu’une douleur
noire qui la transperçait jusqu’au cœur telle une veine de chagrin palpitante.
Et puis elle entendit la voix de sa mère derrière la porte. « Au nom du
ciel, que se passe-t-il encore ? Roxana, réponds-moi tout de suite.
J’exige de savoir ce que signifie ce vacarme. – Allez-vous-en, geignit Roxana
en pleurant dans son oreiller. Je vous en prie. » Il y eut un silence,
puis sa mère demanda, presque mélancolique : « Pourquoi n’est-il pas
possible de trouver la paix dans cette maison ? »
    Une fois épuisée de larmes, vide comme une gourde, Roxana
resta allongée en silence, la poitrine encore secouée de spasmes, et contempla
le maillage de lézardes au plafond, un réseau routier ou fluvial qu’elle avait
étudié toute sa vie depuis qu’elle était douée de conscience, et qui ne cessait
au fil du temps de s’étoffer et de s’étendre. Un jour, le plafond
s’effondrerait sans doute en une pluie de fragments, et elle serait ensevelie
vivante dans son lit.
    Elle finit par se lever et alla s’asseoir à la fenêtre. Elle
contempla le ciel, les arbres, la rivière qui sinuait lentement vers la mer, et
elle pensa à s’enfuir. Mais où ? Est-ce qu’elle irait bien loin ? Sa
peur, son sentiment d’incompétence face à un tel projet ne firent que renforcer
sa colère. Si elle était un garçon, se dit-elle, elle serait déjà partie depuis
longtemps, comme son frère Winchester l’avait fait des années plus tôt. La
rumeur disait qu’il était quelque part dans l’Ouest, et qu’il creusait une
montagne à coups de pioche dans l’espoir d’y trouver de l’or.
    Dans sa rêverie, elle vit un sulky noir décrépit remonter la
route en bringuebalant et bifurquer vers le portail. Le Dr Quake, cet
insupportable sot. Venu faire les yeux doux à Mère et infliger sa conversation
ennuyeuse et sa suffisance à toutes les oreilles disponibles. Elle n’avait
jamais compris comment ses parents pouvaient encore le recevoir. On l’avait peu
à peu dissuadé (oh, mais en y mettant les formes) de toute visite aux grandes
demeures du comté : leurs occupants, après avoir reçu ses soins et ses
conseils, constataient trop souvent qu’il espérait d’eux plus

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