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La polka des bâtards

La polka des bâtards

Titel: La polka des bâtards Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Stephen Wright
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perds la
tête ? »
    Roxana se tourna vers la fillette. « Viens me voir
après le dîner. » La gamine sourit timidement, fit une vague révérence et
disparut en courant derrière la maison.
    « Franchement, Roxana, tu les gâtes trop, ces nègres. À
ce compte, ils finiront par traîner au salon, et nous par trimer dans les
champs. »
    Le grand frère Val, assis sur les marches entre deux de ses
chiens de chasse, nettoyait méticuleusement son fusil. Deux coqs de bruyère
gisaient à ses pieds, la nuque molle et pendante, répandant du sang sur la
marche inférieure. Il jeta à peine un regard à sa mère et à sa sœur, occupé
qu’il était à passer un chiffon sur toute la longueur du canon. « Vous
avez pensé à me prendre la bride ? demanda-t-il.
    — Oui, répondit Mère. J’ai pris la bride et l’étrille.
J’imagine que Nicodemus a dû les emporter à l’écurie. Quant à savoir pourquoi
tu envoies une vieille femme ignorante en pareille mission, c’est une énigme
que seul le Seigneur saurait résoudre. »
    Val sortit l’écouvillon du canon. « L’œil de Dieu est
sur vous, Mère, dit-il en adressant un clin d’œil à sa sœur. Il sait choisir la
personne appropriée pour chaque tâche.
    — Non mais regarde ce que tu as fait ! s’écria
Mère en ôtant précautionneusement son chapeau de sa coiffure élaborée. Il y a
plein de sang sur les marches, et le Dr Quake vient nous rendre visite cet
après-midi. Samson ! cria-t-elle en direction de la maison, avec force
coups de canne sur les planches. Samson ! Sors d’ici immédiatement !
Mais où est-il, cet imbécile gâteux ? » La canne frappait de plus en
plus fort. Enfin la porte d’entrée s’entrebâilla à peine, révélant une tête
chenue qui les regarda, impassible.
    « Viens ici, ordonna Mère. Tu ne m’as donc pas entendue
t’appeler ? »
    Samson sortit sous la véranda en claudiquant. Il arborait un
habit de majordome élimé, aux manches effilochées, aux coudes troués.
« J’étais dans le salon du fond, Maîtresse, à épousseter les
lampes. »
    Mère poussa un ricanement sarcastique. « Cela fait des
mois que tu n’as pas épousseté une lampe, ni quoi que ce soit d’autre,
d’ailleurs. Je veux que tu nettoies les saletés de Val avant que le bois ne
soit irrémédiablement taché. Et que ça saute ! »
    Samson s’avança à petits pas jusqu’au bord de l’escalier et
regarda les marches, en secouant la tête à regret. « Pas question que je
touche à du sang. Ça porte malheur.
    — Mon Dieu ! s’exclama Mère. Mais qu’est-ce qu’il
faut donc faire ici pour obtenir le moindre soupçon de travail de vous autres,
bons à rien ? Val, mon chéri, tu veux bien aller chercher quelqu’un pour
réparer rapidement ce gâchis ? » Elle soupira. « Cette journée
m’a totalement vidée. Je monte dans ma chambre, prendre mon médicament et un
peu de repos.
    — Vous avez raison, Mère, répondit Val avec un nouveau
regard narquois vers sa sœur. Vous avez besoin de vous soigner. Et vous avez
besoin de repos.
    — Et je compte bien que ces marches auront été
nettoyées quand je redescendrai dîner, ajouta-t-elle en s’appuyant sur sa canne
pour se hisser jusqu’à la véranda.
    — Bien, Mère, répondit Val. Nous en ferons table
rase. »
    À la porte, M me  Maury s’immobilisa pour
demander :
    « Où est ton père ?
    — Dans son bureau, à écouter des doléances. Tout à
l’heure, j’ai entendu des cris. À votre place, je n’irais pas.
    — Au fait, Roxana ! ajouta Mère. Je ne veux pas
entendre ce maudit piano jusqu’à ce que je redescende, c’est compris ?
    — Oui, Mère. »
    La porte se referma dans un claquement.
    « La sortie était plaisante ? » demanda Val.
Il y avait dans ses yeux verts limpides quelque chose qui paraissait toujours
en mouvement, quelque créature malicieuse prise au piège de ce regard et
cherchant une issue dans un va-et-vient perpétuel.
    « Dans le port, un homme ivre est tombé du bateau et
s’est noyé, dit Roxana. Alors son chien a sauté à son tour et s’est mis à nager
en rond, en aboyant et en gémissant. Impossible de repêcher le chien, même avec
des cordes et des gaffes. Alors un homme a plongé pour le sauver, mais le chien
a tenté de le mordre. Le vieux M. Trotter a fini par sortir son pistolet
pour abattre le chien, qui a coulé sous les vagues tandis que tout le monde
applaudissait depuis le bastingage.

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