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La polka des bâtards

La polka des bâtards

Titel: La polka des bâtards Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Stephen Wright
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vu ça arriver
plus d’une fois, mais çui-là, c’était le pompon.
    — On peut aller chez la Mère Polly ? demanda
Liberty.
    — Ça y est, mon garçon, t’es déjà d’attaque ? Eh
bien, on verra, on verra. Procurons-nous d’abord un gîte pour la nuit. J’ai pas
envie de dormir sur les pavés avec les porcs. »
    L’hôtel, situé dans une ruelle adjacente à Broadway,
s’appelait l’Hostellerie de Vieux Chêne : il avait des murs et des
fondations en brique rouillée, des planchers en pin brut et un toit d’ardoise
en ruine. Les chambres étaient étroites comme des cachots, et il y faisait une
chaleur de fournaise. Un vieil employé noir aux cheveux blancs, que la
réceptionniste au teint jaunâtre et aux joues creuses désigna sèchement comme
étant Ned, les mena à leurs appartements en traînant les pieds et, avec moult
halètements et autres signes d’effort intense, tenta d’ouvrir la fenêtre, puis
se retourna vers eux. « Je peux rien y faire », dit-il, et il sortit.
Plus tard, en pleine nuit, jurant et suant, Potter se relèverait pour briser la
vitre à coups de crosse, mais même ainsi pas un souffle d’air ne viendrait
rafraîchir la pièce étouffante.
    Ils dînèrent dans un saloon bruyant et enfumé
essentiellement peuplé d’hommes, et de quelques femmes fort peu vêtues qui
passaient nonchalamment de table en table, se répandaient sur les épaules des
hommes et leur murmuraient à l’oreille jusqu’à ce qu’ils éclatent de rire et se
lèvent pour accompagner ces fascinantes créatures dans de petites alcôves
cubiques bordant le mur du fond. L’une d’elles s’aventura jusqu’à leur table,
mais Potter lui ordonna de dégager. « Pour ça, je connais un bien meilleur
endroit », dit-il d’un air entendu à Liberty, qui hocha la tête en silence
comme s’il savait vraiment de quoi parlait son oncle. Ils burent de la bière et
mangèrent chacun deux assiettes d’huîtres, que Potter jugea avec emphase
« les meilleures de la ville, les meilleures de toute la côte Est ».
    Tout au bout de la salle se dressait une scène et, alors que
Potter et Liberty finissaient leur repas, le rideau rouge en lambeaux s’écarta
pour révéler une rangée de girls affublées d’oripeaux qui ne dissimulaient que
leurs parties intimes. Accompagnées par les dissonances d’un quintette installé
devant la scène à gauche, elles se lancèrent dans une danse effrénée avec moins
de grâce que d’enthousiasme. Le public hurlait, ululait, applaudissait, faisait
des suggestions pour la prochaine danse, et plus les girls sautillaient, plus
leurs jambes montaient haut, plus les hommes devenaient braillards et
paillards. Potter grimpa sur une chaise pour avoir une meilleure vue et Liberty
l’imita. Il régnait dans la salle le sentiment qu’un événement considérable
était en train ou sur le point de se produire. Et puis, abruptement, la musique
se tut, la danse prit fin, le rideau se ferma. Le public déçu se mit à crier
encore plus fort en martelant les tables à coups de chope, mais le rideau ne se
rouvrit pas, et progressivement le bruit ambiant se réduisit au vacarme
habituel.
    « Qu’est-ce que t’en dis ? demanda Potter.
    — Est-ce qu’elles vont revenir sans leurs
vêtements ? » demanda Liberty, sur quoi Potter éclata d’un rire
volcanique et lui donna une grande claque dans le dos. « Je t’aime bien,
Liberty, rugit-il, depuis toujours. »
    Et puis, au son aigre et métallique d’une musique de fanfare,
le rideau se rouvrit, révélant sur la scène une rangée de chaises en bois vides
devant laquelle posait un homme grand et maigre en redingote noire, gilet de
satin bleu et culottes noires. Punaisée derrière la scène, une immense bannière
annonçait la Démonstration de Gaz Hilarant du Professeur Winslow McGurk.
L’homme s’avança au bord de la scène et leva les mains pour obtenir le silence.
    « Bonsoir, messieurs, commença-t-il. Je suis le
professeur McGurk. » Des acclamations jaillirent de divers points de la
salle à cette information. « Je rentre tout juste d’une grande tournée en
Europe, où bien des têtes couronnées, parmi les plus prestigieuses, ont pu
apprécier la démonstration qui va à présent vous être offerte. Vous allez
découvrir ce soir les effets fort distrayants sur le cerveau humain d’un
composé chimique hilaro-excitant. Vous assisterez à la métamorphose de
quelques-uns de vos semblables,

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