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La polka des bâtards

La polka des bâtards

Titel: La polka des bâtards Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Stephen Wright
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rampantes, animales, humaines
ou les deux. Il avait beau connaître cette famille depuis l’avènement de toute
mémoire, il n’avait jamais pu établir avec certitude le nombre exact d’enfants
Fowler, et n’avait jamais été informé du nom de baptême de M me  Fowler.
    « J’ai dû envoyer Phineas en ville, expliqua-t-elle,
simplement pour faire un peu de place autour de moi. Tu sais comment il
est : dès qu’il a quelque chose d’important dans le crâne, il s’agite de
droite à gauche et de haut en bas, il y a de quoi donner des ulcères à un
pasteur. J’espère vraiment que tu n’accables pas ta pauvre mère
inconsidérément.
    — Non, m’dame, elle garde la chambre. »
    M me  Fowler lui adressa un sec hochement de
tête approbateur. « C’est exactement où je serais si j’avais une chambre à
garder. Mais pourquoi on reste là debout dans le noir, à bavasser comme deux
abrutis ? Lucius ! s’écria-t-elle en emmenant Liberty dans la cuisine
bien éclairée. Au nom du ciel, qu’est-ce que tu as dans la bouche ? Laisse
ce machin par terre, mon bébé, c’est ça, par terre. Ah ! cet
enfant… », soupira-t-elle en secouant la tête d’exaspération émerveillée.
    Installé à une table relativement propre dans une cuisine
relativement crasseuse, Liberty fixa sans comprendre l’énorme part de tarte que
M me  Fowler lui avait servie. La farce menaçante qui suintait de
la croûte était d’une consistance et d’une nuance suspectes. Lorsque enfin il
osa en prélever une bouchée, à l’aide d’un trophée de M me  Fowler,
récemment offert par une tante de Boston un peu timbrée, un ustensile fourchu
en argent qu’elle appelait une « fourgette », il découvrit un goût
qui s’apparentait à du savon de selle vaguement sucré. En fait, il était
tellement absorbé par l’étude de cette saveur, d’une nouveauté intimidante,
qu’il mit du temps à remarquer que M me  Fowler avait cessé de
s’affairer nerveusement et, appuyée en équilibre précaire au dossier d’une
chaise, émettait un bredouillis de bruits inquiétants.
    « Madame Fowler ? » se risqua-t-il à
demander.
    Elle se retourna et lui laissa voir ses yeux pleins de
larmes, ses joues brûlantes. « Ne crois pas que j’ignore ce que vous
complotez, les garçons. Je redoute ce jour depuis que ce méchant homme a été
élu président. J’ai été jeune, je sais ce que c’est, la jeunesse, un prétexte à
folie et à imprudence sans bornes, on fait la sourde oreille à tous ses aînés,
je comprends, mais je ne laisserai pas mon premier-né se jeter convulsivement
sur le bûcher, et si M. Fowler n’était pas parti au Canada chercher
fortune dans les fourrures, il serait à mes côtés pour bloquer la porte et vous
empêcher de partir, tous les deux. M. Fowler, comme moi, abhorre la
violence ; il est convaincu que toutes les disputes peuvent se régler avec
un paquet de cartes et un bon verre de jus du verger. Si M. Fowler était
là, il lancerait une partie de faro, et personne n’irait nulle part.
M. Fowler sait comment on doit se comporter dans la vie, et M. Fowler
n’a jamais tort.
    — Oui, m’dame. » Ce fut tout ce que Liberty put offrir
en réponse à ce raisonnement passionné, même s’il n’avait jamais vu dans les
parages M. Fowler ni aucun autre homme, et qu’il commençait à se demander
d’où venait cette progéniture constamment renouvelée.
    « J’ai toujours su que tu avais un bon brin de
jugeote ; j’aimerais pouvoir en dire autant de mon Phineas. Tu as toujours
été un vrai tueur dès qu’il s’agissait de discourir, Liberty, tu tiens ça de
tes parents, je suppose, et Phineas t’écoute avec beaucoup plus d’attention que
sa propre mère, alors je t’en prie, essaie de le raisonner, de lui mettre un
peu de bon sens dans son crâne blindé, tu veux bien ?
    — Madame Fowler, je ne suis pas si sûr qu’il écoute qui
que ce soit », répliqua Liberty, se remémorant la fois où le jeune Phinny,
impatient de goûter les plaisirs légendaires de l’extase érotique, avait baissé
culotte et, malgré des mises en garde répétées, fourré son pénis en érection
dans le trou, présumé soyeux de miel, d’un arbre mort contenant une ruche qu’il
jurait abandonnée, pour apprendre à ses dépens que bien des locataires
furieuses y résidaient encore ; et tandis qu’il courait en hurlant vers la
fraîcheur apaisante de la rivière Wilson où il

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