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La polka des bâtards

La polka des bâtards

Titel: La polka des bâtards Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Stephen Wright
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soulagerait son intimité en feu,
les passagères de la diligence, à savoir sa douce amie Elmina Carlisle et son
collet monté de mère, eurent droit à une vue imprenable sur son malheur, et
leurs cris communs, ajoutant encore à l’atmosphère de chaos dépravé, firent
s’emballer les chevaux.
    « J’ai toute confiance en toi, Liberty, dit-elle en lui
tapotant affectueusement la tête. Avec ta voix mélodieuse, tu pourrais charmer
les serpents.
    — Madame Fowler, je me vois contraint de protester…
    — Chhhut, fit-elle fébrilement en portant le doigt à
ses lèvres, tais-toi, le voilà qui arrive. »
    Une porte claqua, des pas gauches s’approchèrent, et dans la
cuisine entra en titubant un grand gaillard au visage crème couvert de taches
de rousseur, du même âge que Liberty, qui portait sur l’épaule un sac de farine
qu’il laissa tomber par terre sans cérémonie, dans une explosion de poudre
blanche qui s’éleva doucement en nuage.
    « Phineas ! s’écria sa mère. Si tu crèves ce sac,
je te jure que tu es bon pour ramasser la merde dans l’étable pendant un mois.
    — Mais je ramasse déjà la merde presque tous les jours,
répliqua-t-il du tac au tac, en roulant des yeux à l’adresse de Liberty.
    — Ne t’avise pas de dire des gros mots devant ta mère.
Je ne tolérerai pas un tel manque de respect sous mon toit.
    — Pas besoin, en effet. Tu n’as qu’à aller en ville, et
tu te feras insulter tout ton saoul. »
    La gifle qu’elle tenta de lui administrer fut aisément
esquivée, et Phineas, en sortant, serra l’épaule de Liberty en disant :
« Retrouve-moi au tas de bois.
    — C’est moi qui vais te retrouver au tas de bois,
promit M me  Fowler tout échauffée, avec le martinet. »
    Phineas leva un poing menaçant, lui tourna le dos et
disparut.
    « Ce monde est sorti de ses gonds, Liberty,
remarqua-t-elle mélancolique, en se touchant les cheveux comme si on les avait
ébouriffés. Impossible de le remettre d’aplomb. On dégringole encore et encore
dans le grand précipice, et je crains fort qu’il soit sans fond. Va, va lui
parler, Liberty. Dis-lui qu’il y a de la tarte à la rhubarbe. »
    Il le trouva assis sur une clôture, intensément occupé à
examiner ses ongles. « Je suis allé au rassemblement, dit-il d’une voix
atone. Toute la ville est en folie. » Le maire, comme à son habitude,
avait déclamé un discours fleuri pendant plus d’une heure, puis lu un
télégramme du gouverneur promettant que l’État de New York ne ferait qu’une bouchée
de ses rivaux dans la course au devoir, à l’honneur et à la gloire. La fanfare
avait joué, pathétiquement, des airs que personne ne reconnut. Les chiens
couraient dans tous les sens. Les filles accordaient aux garçons des sourires
entendus, jusque-là tenus secrets. Et puis Wilbur Jenkins, sanglé dans sa tenue
chamarrée de capitaine, brandit le drapeau du régiment que sa femme avait passé
toute la nuit à coudre, et demanda aux volontaires de s’avancer et de prêter
serment. « Et tous les hommes sur la grand-place, à part moi, Tom
Jambe-de-Bois et Ben Brown, ce voleur, ce froussard, se sont précipités vers la
table en criant comme si on venait d’annoncer de la bière gratuite. Je me
sentais tellement mal que j’ai dû rentrer directement. Je ne sais pas quoi
faire. Elle veut pas que je parte.
    — Mes parents non plus.
    — Bon, j’imagine qu’on pourrait tout simplement
déserter la ferme, partir au combat comme des guerriers grecs et prévenir les
vieux par courrier quand on sera arrivés.
    — Arrivés où ? Sur le champ de bataille ?
    — Non, répliqua Phineas, les yeux illuminés par la
glorieuse épopée qui s’ouvrait à eux. À Richmond.
    — Pour toi, cette petite escarmouche est déjà gagnée,
hein ?
    — Tu crois que ça sera fini avant qu’on n’ait notre
chance ?
    — Non, je crois qu’il y aura largement assez de mort et
de tuerie pour qu’on en ait notre part. Mon père a toujours dit qu’il faut un
feu plus grand et plus brûlant pour briser des chaînes que pour les forger.
    — Alors on a peut-être du temps pour affronter nos
mères.
    — Histoire de s’entraîner à affronter les
rebelles ?
    — On va les éblouir avec des fusées d’éloquence,
Liberty, les harceler de rhétorique, les pilonner d’arguments, les bombarder de
postulats, et si ça ne suffit pas, on se contentera de les contourner et on
filera vers

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