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La polka des bâtards

La polka des bâtards

Titel: La polka des bâtards Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Stephen Wright
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déguerpi, il faisait son
devoir – lorsqu’un coup violent aux fesses l’envoya s’affaler sur un
cadavre poisseux. En se contorsionnant, il vit le sergent Wickersham qui le
dominait comme un géant furieux.
    « En avant, espèce de couard, continue d’avancer.
    — C’est ce que j’allais faire, répondit Liberty en se
relevant tant bien que mal. J’étais en train de tirer.
    — Avec ça  ? » Wickersham désigna avec
mépris le fusil de Liberty, d’où dépassaient au moins trois baguettes courbées
et tordues. « Prends celui-ci. » Il se pencha pour arracher le fusil
des mains mortes de Huff. « Il n’en a plus besoin. Et toi, dans trente
secondes, tu n’auras besoin que de la baïonnette. Allez, rejoins les autres
gars, et repoussez ces bouseux jusque dans le Potomac. »
    De la fumée et du brouillard surgit une horde hurlante de rebelles
démoniaques qui en un instant fondit sur les fédéraux. Certains s’affrontèrent
à la baïonnette et au couteau. D’autres, désarmés, bandaient leurs muscles pour
cogner sur le crâne de leur adversaire à mains nues. Tombés au sol, des
duellistes s’empoignaient furieusement, et leurs doigts cherchaient à bloquer
une trachée, à arracher un œil. Dans un brusque rugissement inhumain, un
tronçon de la clôture qui entourait le champ de maïs éclata en une grêle
d’échardes fines comme des aiguilles, de sang et de fragments de chair rose. Le
capitaine Dougherty passa en titubant, hagard, la main plaquée sur la plaie
béante de son épaule, là où naguère était attaché un bras.
    « Mon capitaine ! s’écria Liberty. Votre
bras ! »
    Le capitaine jeta un coup d’œil éteint à sa blessure.
« Je suis conscient, soldat, de mon malheur. Voyons si vous saurez faire
face au vôtre. » Et il repartit vers l’arrière.
    Quelqu’un poussa violemment Liberty, manquant le renverser,
et en se retournant il vit Cub O’Toole, un fils de professeur de Rochester
jusque-là doux comme un agneau, défoncer à coups de crosse le visage stupéfait
d’un rebelle à peine adolescent. Il y eut un craquement écœurant, et le garçon
s’effondra comme si tous les tendons de ses jambes avaient été simultanément
coupés. « Liberty ! cria O’Toole. Où étais-tu passé ? Tu es en
train de rater la fête ! » Mais avant que Liberty ne puisse répondre,
les yeux de O’Toole roulèrent brusquement vers le haut et il se prit le cou à
deux mains, tandis que le sang jaillissait entre ses doigts en un torrent
obscène.
    Et puis de la brume soufrée surgit un homme qui fonçait
droit sur Liberty. Il criait quelque chose d’inintelligible et paraissait très
en colère, comme s’il objectait personnellement à la présence de Liberty. Ses
traits égarés étaient noircis de traînées de poudre, et de sa main droite il
agitait un grand coutelas luisant. Au moment où il bondissait sur lui en
hurlant, avec une force et une pesanteur inimaginables, Liberty parvint à
saisir à deux mains son poing armé et tous deux basculèrent sur le sol glissant
où ils se roulèrent comme des chiens dans la poussière, grognant, jurant, se
disputant le contrôle du coutelas. « Je vais te tuer, Yankee ! »
ululait le rebelle, qui lui soufflait dans les narines son haleine brûlante et
fétide. Il essayait de lui pousser le tranchant de la lame contre le larynx.
« Que tu crois ! » rétorqua Liberty, mobilisant des muscles
qu’il ignorait avoir pour écarter l’arme d’au moins quelques centimètres de sa
chair palpitante.
    Ils se figèrent en un moment de tension maximale, et Liberty
se demandait combien de temps il pourrait encore retenir cet homme si déterminé
à le massacrer lorsqu’il entendit une voix forte et impérieuse, et, levant les
yeux, aperçut le visage sinistre d’Arthur McGee. « Tourne la
tête ! » ordonna ce dernier, et quand Liberty obéit il appuya le
canon de son fusil contre la nuque du rebelle et pressa froidement la détente.
Un bouillon tiède de matière organique éclaboussa le visage grimaçant de
Liberty. McGee le libéra à coups de pied du cadavre qui pesait sur lui et
l’aida gracieusement à se relever. « Ça me ferait mal de voir un salaud de
rebelle finir mon boulot à ma place. » Il lança à Liberty un sourire pincé
et lourd de sens puis disparut dans la mêlée.
    Entendant son cœur battre la chamade, et en proie à des
émotions aussi diverses et confuses que la bataille elle-même, Liberty

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