Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La Poussière Des Corons

La Poussière Des Corons

Titel: La Poussière Des Corons Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie-Paul Armand
Vom Netzwerk:
n’étaient plus. Je ne
comprenais pas que, simplement, ma jeunesse reprenait le dessus et se vengeait
d’avoir été trop longtemps étouffée.
    L’amitié de Marie me manquait, et je me rapprochai de
Juliette. Sa nature insouciante me fit du bien, et contribua à me rendre ma
gaieté. Elle était l’une des rares privilégiées à n’avoir pas été touchée par
la guerre. Son père, son frère étaient revenus sains et saufs. Elle me donna
des nouvelles d’Henri, dont je gardais toujours l’image enfouie au plus profond
de mon cœur.
    — Maintenant, il termine ses études. Il va
travailler avec notre père, et puis il envisage de le remplacer.
    Son père avait fait l’acquisition d’une automobile, un de
ces engins bruyants que nous commencions à voir de plus en plus souvent. Je la
vis, en allant chez Juliette, dans le parc. Immobile et silencieuse, elle me
parut moins terrifiante. Je n’osai pas m’en approcher, mais Juliette, qui riait
de mes craintes, me dit :
    — Allons, viens ! Nous allons jouer à
voyager !
    J’acceptai de monter après qu’elle m’eut assuré ne rien
connaître au fonctionnement et promis de ne pas rouler.
    — Voyons, me dit Juliette, ne prends pas cet air
inquiet !
    Elle rit de moi, se mit à faire des pitreries, tourna le
volant, actionna la trompe. Peu à peu, je me rassurai. Je trouvai même très
agréable le contact du siège en cuir sur lequel je m’appuyais. Une fois de plus,
je découvrais le luxe, que, plus âgée, j’étais mieux capable d’apprécier.
     
    Le 1 er mai, Charles m’offrit un brin de muguet. Il
me le donna avec une gaucherie due à une timidité nouvelle. Je fus ravie. Je
dis :
    — Oh, merci, Charles ! Comme c’est gentil !
    En le regardant, je pris conscience de sa rougeur et de son
air gêné. Je ne les compris pas, sur le moment, pas plus que je ne compris le
regard avec lequel il me contemplait. Charles, c’était pour moi un ami d’enfance,
c’était comme le frère que je n’avais pas eu ; il ne me venait pas à l’idée
qu’il pourrait être autre chose pour moi.
    Je rentrai chez moi, montrai le brin de muguet à ma mère :
    — Regarde, maman, ce que Charles vient de m’offrir.
    Ma mère sourit, et ne dit rien. Et le sourire entendu de ma
mère, lui non plus, je ne le compris pas.
    Elle avait repris pied dans la vie, ma mère, mais elle n’était
plus la même qu’avant. Elle donnait l’impression d’accepter de vivre tout en
attendant le moment d’aller rejoindre son mari bien-aimé. Elle semblait avoir
surmonté la dure épreuve qui l’avait meurtrie, mais elle était marquée, de
façon indélébile. Son regard restait triste, elle avait vieilli, d’autant plus
qu’elle s’habillait tout en noir, maintenant. Elle avait perdu beaucoup de son
dynamisme, aussi, et se fatiguait vite. C’était moi qui me chargeais de
beaucoup de travaux, à la maison. Elle avait quand même repris sa couture, et
je l’aidais bien souvent.
    Mais elle m’entourait de tant de tendresse que je ne me
sentais plus esseulée ; elle reportait sur moi tout l’amour qu’elle ne
pouvait plus donner à mon père.
     
    Le dimanche qui suivit, j’allai, comme je le faisais souvent,
porter des fleurs sur la tombe de mon amie Marie. Le cimetière côtoyait les
champs, et était baigné de soleil. Tout près, une alouette chantait. Plus loin,
d’autres oiseaux pépiaient ; dans le village, les cloches de l’église
sonnaient. J’ai déposé les fleurs et, pour la première fois depuis la mort de
Marie, je n’ai pas ressenti l’amertume, la douloureuse révolte qui me prenaient
chaque fois que je pensais à elle. Au contraire, une grande douceur m’est venue,
et j’ai eu, avec certitude, l’intuition que Marie était heureuse, là où elle
était. Je me suis sentie rassérénée ; c’est en paix avec moi-même que j’ai
pris le chemin du retour.
    A la grille du cimetière, je m’arrêtai un instant, indécise
sur le chemin à prendre pour rentrer chez moi. Il y avait le sentier à travers
champs, plus direct, ou alors la route normale. J’ai hésité, mais il faisait si
beau que j’optai pour le chemin le plus long.
    Je traversai le village. Sur la place régnait une joyeuse
effervescence. La messe se terminait, des gens sortaient de l’église, endimanchés.
À la terrasse du café, des hommes buvaient en bavardant joyeusement. Et la
lumière blonde du soleil donnait à tout cela un air de fête.
    Je pris la route

Weitere Kostenlose Bücher