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La Poussière Des Corons

La Poussière Des Corons

Titel: La Poussière Des Corons Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie-Paul Armand
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le vieux banc de bois, et
nous bavardions. Ou plutôt Juliette papotait, et je l’écoutais, m’efforçant de
réprimer la nausée que je sentais monter et essayant d’ignorer la sueur froide
qui me couvrait le visage. Puis je la vis s’estomper, s’éloigner, et soudain je
ne vis plus rien.
    Je revins à moi quelques minutes plus tard. Juliette, affolée,
me tapotait les joues.
    — Madeleine, que se passe-t-il ? Tu m’as
fait peur. Qu’as-tu ? Tu es malade ?
    Elle était si loin de se douter de la vérité que je me
sentis gênée. Mon amie Juliette, pure et gaie comme un rayon de soleil ! Comment
allait-elle réagir ?
    Je baissai la tête, accablée :
    — Je ne peux pas te le dire, Juliette, j’ai trop
honte… Si tu savais ! Je suis une fille perdue…
    Elle me regarda, incompréhensive d’abord. Puis ses yeux s’agrandirent,
reflétèrent un véritable effarement :
    — Madeleine ! Tu ne veux pas dire que…?
    Les joues cuisantes de honte, j’étais incapable de répondre.
Elle soupira, pleine de pitié, me serra contre elle :
    — Comment est-ce possible ? Pas toi, Madeleine !
Dis-moi…
    Alors, à mots entrecoupés, je racontai ce dont je me
souvenais, le soir du bal.
    — C’est Henri le plus coupable, me dit Juliette. Toi,
Madeleine, tu as été imprudente, c’est tout. Seulement, il ne faut pas qu’une
simple imprudence détruise ta vie. Henri revient, dimanche prochain. Viens chez
moi, dans l’après-midi. Tu lui parleras. Il a le droit de savoir, et le devoir
de réparer.
    Je la regardai, avec reconnaissance, avec un mélange de peur
et d’espoir. Pleine de sollicitude, elle me rassura :
    — Allons, ne t’inquiète pas ! Henri est
amoureux de toi, il t’épousera. Tu deviendras M me  Fontaine, tu
seras ma vraie sœur.
    J’aurais bien voulu partager son enthousiasme, sa certitude.
D’où me venaient ce doute, cette inquiétude secrète que j’essayais de refouler
et qui me laissaient une crainte confuse de l’avenir ?
    *
    Le dimanche après-midi, je me dirigeai vers la maison de
Juliette, le cœur empli d’appréhension et les nerfs noués par une véritable
sensation de trac. De loin, j’aperçus Juliette qui, près du portail, m’attendait.
Elle me fit signe de me hâter.
    — Vite, s’écria-t-elle, Henri est derrière la
maison. Allons le rejoindre !
    Je m’inquiétai :
    — Juliette, lui as-tu dit…?
    — Non. J’ai simplement dit que tu viendrais, c’est
tout.
    Nous avons contourné la maison, et je me trouvai face à lui,
qui venait vers nous. Je m’arrêtai, soudain paralysée par sa présence. Les mots
se bloquèrent dans ma gorge.
    Il sourit, mais il me parut que ses yeux n’avaient plus
cette chaleur, cette douceur que j’aimais. Ou bien était-ce une fausse
impression, due à mes nerfs exacerbés ?
    — Bonjour, Madeleine… Comment vas-tu ?
    Crispée, je pensai qu’il devait me trouver bien laide avec
mon visage pâle et tendu, mes traits tirés, mes yeux cernés. Juliette intervint :
    — Madeleine doit te parler, Henri. Alors, je vous
laisse.
    Après une pression amicale sur mon bras, qui était aussi un
signe d’encouragement, elle s’échappa, nous laissant seuls. Je sentais croître
mon appréhension.
    — Viens, Madeleine, dit Henri, faisons quelques
pas. Qu’as-tu à me dire ?
    Je ne savais pas comment m’y prendre. Je marchais près de
lui, et je le voyais si lointain, si indifférent, que je sentais monter en moi
un sentiment proche du désespoir. Toujours silencieusement, nous sommes sortis
par la porte de derrière, et nous nous sommes trouvés dans la campagne. Nous
avons pris un chemin de terre. Le vent faisait tourbillonner, autour de nous, les
feuilles des arbres que l’automne éparpillait partout.
    — Eh bien, Madeleine ? Te voilà muette !
As-tu à me dire que tu t’ennuies, loin de moi ?
    Je retrouvai, dans son sourire légèrement taquin, dans ses
yeux, un peu de la tendresse dont je me souvenais si bien. Un peu rassurée, j’eus
un faible sourire, secouai la tête :
    — Non, il y a autre chose.
    — Quoi donc, Madeleine ?
    Tête baissée, je marchais sans répondre. Comme c’était
difficile ! Comment trouver les mots pour lui dire…? J’avais tellement
honte que je sentais mes joues devenir brûlantes. Intrigué, il s’arrêta et, d’une
main, me souleva le menton, m’obligeant à le regarder :
    — Qu’y a-t-il, Madeleine ? Parle, tu m’inquiètes.
    Je baissai les yeux.

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