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La Poussière Des Corons

La Poussière Des Corons

Titel: La Poussière Des Corons Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie-Paul Armand
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J’étais gênée, et malheureuse. Pourtant,
il fallait bien que je lui dise, j’étais venue pour ça. Je pensai à ma mère
pour me donner du courage, et, à mots entrecoupés, sans le regarder, j’essayai
de parler.
    — Eh bien, c’est… Oh, Henri, il faut que je te dise…
Je… Oh, mon Dieu, comme c’est difficile !… Je crois que… Tu sais, le soir
du bal… je crois que… maintenant… j’attends… un enfant…
    A bout de forces, je me mis à pleurer. Je ne sais pas ce que
j’attendais. Inconsciemment, sans doute, je souhaitais qu’il me prît dans ses
bras, qu’il me rassurât, au moins, qu’il me dît de ne pas m’inquiéter. Mais il
ne fit rien de tout cela. Il resta là, devant moi, comme foudroyé. Il m’apparut
perdu, désorienté, aussi paniqué que moi. Il bégaya :
    — Mais, Madeleine, mais… C’est… c’est une
véritable catastrophe !
    Il se tut, très pâle. Puis, prenant conscience du regard
plein d’espoir et d’attente avec lequel je le fixais, il s’affola :
    — Mais… que veux-tu que je fasse ?… Je ne
peux rien faire…
    J’eus un cri de bête blessée :
    — Henri, ne m’abandonne pas !
    Il haussa les épaules, avec accablement et une sorte de
peine :
    — Mais, Madeleine, demain, je repars en Allemagne,
pour plusieurs mois. C’est prévu, Madeleine, je ne peux pas tout détruire… C’est
de mon avenir qu’il s’agit…
    Il s’arrêta. Alors, brutalement, je compris que je n’avais
aucune place dans ses projets. Je n’avais été pour lui qu’un simple
divertissement, qu’il pensait retrouver avec plaisir chaque fois qu’il
reviendrait au village. Je gémis, toute dignité oubliée :
    — Henri… ne me laisse pas… Que vais-je devenir ?
    Avec une sorte de rage, il répliqua :
    — Mais Madeleine, il fallait y penser avant… Après
tout, tu savais ce que tu faisais, en sortant avec moi. Que pouvais-je croire ?
Ce n’est pas entièrement ma faute si, ce soir-là, j’ai perdu la tête…
    La stupeur m’ôta toute réaction. Se pouvait-il qu’il m’eût
considérée comme une fille facile, un simple divertissement, alors que pour moi
il était tout ?
    Sans pitié, il reprit :
    — Et maintenant, qu’espères-tu ? Que je t’épouse,
peut-être ? Je ne peux pas, c’est impossible, tu dois bien le comprendre. Mes
parents n’accepteront jamais que j’épouse la fille d’un de leurs mineurs !
    Ce fut comme s’il m’avait giflée. Ainsi, c’était bien cela :
il m’avait-jugée assez bonne pour lui servir de distraction. J’étais dégrisée. Avec
une cruelle lucidité, je me rendais compte que Charles avait raison. Il avait
voulu me prévenir, et moi, croyant qu’il parlait par jalousie, je ne l’avais
pas écouté.
    Je regardai Henri avec un mélange de surprise et d’horreur. Comment
avais-je pu me tromper à ce point sur lui ? Je le voyais maintenant tel qu’il
était, faible, lâche, sans volonté, égoïste, uniquement occupé de son propre
plaisir. Je crois qu’à cet instant ma soudaine lucidité a tué mon amour. Je me
rendais cruellement compte que j’avais aimé l’image que je me faisais de lui, et
non pas lui-même. Envers celui dont je découvrais maintenant la véritable
nature, je n’éprouvais plus que du dégoût.
    Meurtrie, révoltée, je lui lançai, hors de moi :
    — Lâche ! Tu es un lâche !
    Frémissante de douleur et d’indignation, je me détournai. Je
m’enfuis en courant. Le vent s’engouffrait dans ma robe, et faillit, à
plusieurs reprises, me faire trébucher, mais je n’y pris pas garde. Profondément
blessée, je courais, instinctivement, vers le seul refuge au monde qui me
restât : les bras de ma mère.
     
    Elle ne déçut pas mon attente. Elle me serra contre elle, me
berça doucement, mêlant ses pleurs aux miens. Lorsque je lui eus tout raconté, elle
soupira :
    — Que pouvons-nous faire ? Il faudrait
demander conseil, à Pierre peut-être ?
    J’eus un cri de protestation :
    — Oh non, maman, non ! Ne parle à personne
de… Ne le dis à personne !
    Et je me remis à pleurer.
    — De toute façon, dit ma mère, si Henri refuse de
réparer, que peux-tu faire ? Nous sommes trop dépendantes de sa famille
pour exiger quoi que ce soit. Son père, en tant que directeur de la mine, peut
nous expulser de ce logement du jour au lendemain. C’est déjà bien beau qu’il
nous permette de rester, alors que ton père n’est plus là…
    En pensant à mon

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