Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La Poussière Des Corons

La Poussière Des Corons

Titel: La Poussière Des Corons Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie-Paul Armand
Vom Netzwerk:
maladresse qui trahissait mon manque d’habitude. Il m’attira
vers lui, avec douceur, et, dans ses bras, je soupirai de bonheur. Là était ma
place, je l’avais compris avec certitude. Un grand apaisement me vint. Je
fermai les yeux. Lorsqu’il m’embrassa, avec un mélange de timidité et de
passion, notre baiser fut une promesse de bonheur.
    — Madeleine, demanda-t-il encore d’une voix
rauque, tu veux bien ?
    — Oui, dis-je tout bas, et la gravité avec
laquelle je prononçai ce simple mot lui donna la valeur d’un serment.
    Alors il me souleva, m’emporta jusque dans la chambre, Charles
me déposa sur le grand lit avec précaution et tendresse. Et ce soir-là, pour la
première fois depuis que nous étions mariés, je devins vraiment sa femme.
    *
    Jean était un bébé sage et facile, qui grandissait sans
problèmes. Il ne pleurait presque jamais. Je ne l’en aimais que davantage. Mon
existence était remplie d’amour, mon amour pour Charles, et mon amour pour mon
enfant. J’avais une vie très occupée, le travail ne me laissait pas beaucoup de
répit, mais, entre mon mari et mon fils, j’étais heureuse.
    Charles était pour moi, maintenant, un mari tendrement aimé.
De son côté, il m’entourait sans restriction de tout son amour. Je n’avais qu’un
seul regret, c’était que mon enfant ne fût pas aussi le sien.
    Peut-être ce regret m’influença-t-il inconsciemment, et, peu
à peu, me vint l’idée que l’attitude de Charles envers Jean n’était pas comme
je l’aurais voulue. Elle ne me semblait pas spontanée, pas naturelle. C’était
difficile à expliquer, c’étaient des petits détails qui me choquaient. Par
exemple, il ne prenait jamais Jean de lui-même, il fallait que je le lui donne,
alors que Pierre, ou même Georges et Julien, le levaient très haut au-dessus de
leur tête pour le faire rire. Et lorsque je le lui mettais dans les bras, il
paraissait gêné, incapable de s’en occuper. Puis, quand je le reprenais, il me
le rendait avec soulagement et même empressement. J’étais peut-être influencée
par la pensée que Jean n’était pas son vrai fils. Je me disais souvent que
Charles eût certainement préféré avoir son propre fils.
    Cette idée finit par ne plus quitter mon esprit. Je décidai
de confier mes craintes à ma mère. Un jour où j’étais chez elle, et où nous
étions seules, alors que Jean faisait sa sieste, je lui en parlai :
    — Tu n’as rien remarqué, maman, au sujet de l’attitude
de Charles envers Jean ?
    Ma mère eut l’air sincèrement surprise :
    — Non, pourquoi ?
    — Eh bien, je ne saurais pas l’expliquer
clairement, mais c’est une impression… Tu sais, Jean n’est pas son fils, après
tout. Je me dis qu’il ne peut pas l’aimer comme s’il était le sien. Peut-il
oublier qu’il est celui d’Henri ?
    — C’est ton sentiment de culpabilité, Madeleine, qui
te donne de telles idées. Il s’occupe de Jean, il lui parle ?
    — Oui, mais avec une sorte de gêne, une réticence
que je ne m’explique pas. Avec Jean, il me semble qu’il n’est pas naturel. Quand
il le tient, par exemple, il me donne l’impression d’être mal à l’aise.
    — Si tu avais vu la maladresse de ton père, quand
tu étais bébé et qu’il n’osait même pas te prendre dans ses bras ! C’est
pareil pour Charles ! Ça s’arrangera quand Jean grandira, tu verras.
    Elle me raisonna longuement, et finit par me rassurer. Charles
savait la vérité lorsqu’il m’avait épousée, il l’avait fait en toute
connaissance de cause, et il semblait, avec Jean et moi, être parfaitement
heureux. Pourquoi me torturer l’esprit, avec ce qui n’était peut-être qu’une
fausse idée de ma part ?
    Dans les jours qui suivirent, je m’aperçus que Jean
commençait à balbutier quelques mots. Pendant l’absence de Charles, je m’exerçai
à lui apprendre à dire papa. Très vite, il sut le dire. Ce jour-là, quand
Charles rentra de la mine, Jean faisait la sieste. Charles se baigna, prit son
repas, puis s’installa dans son fauteuil. Alors j’allai chercher Jean qui était
réveillé et qui gazouillait dans sa chambre. Je le ramenai tout chaud encore de
sommeil. En m’approchant de Charles, je chuchotai tout bas, à l’oreille de mon
fils :
    — Pa… pa…, dis Pa… pa !
    Le résultat dépassa mes espérances. À Charles, qui relevait
la tête et nous regardait, il tendit ses petits bras en gigotant pour

Weitere Kostenlose Bücher