Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La Poussière Des Corons

La Poussière Des Corons

Titel: La Poussière Des Corons Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie-Paul Armand
Vom Netzwerk:
m’échapper
et en bégayant :
    — Pa… pa ! Pa… pa !
    Charles, étonné et ému, se leva et, à son tour, tendit les
bras :
    — Oui, mon petit Jean, dit-il, viens avec papa !
    Il prit le petit contre lui, puis se tourna vers moi. Je m’approchai.
Il mit un bras autour de moi et nous tint un long moment contre son cœur. Alors
je me suis sentie en paix avec moi-même. J’ai compris que dorénavant, nous
formerions une vraie famille.

8
    L’ANNÉE suivante vit l’arrivée dans notre coron des premiers
Polonais. Ils vinrent en masse, de plus en plus nombreux, attirés par les
compagnies françaises qui faisaient des offres de travail aux mineurs étrangers.
En Pologne, ils étaient au chômage, car l’économie, en pleine transformation
après la guerre, ne pouvait offrir du travail à tous. Beaucoup vinrent aussi d’Allemagne,
où une crise économique sévissait. Certains Polonais, déjà émigrés en
Westphalie, émigrèrent une nouvelle fois et gagnèrent la France.
    En France, on avait besoin de main-d’œuvre pour relancer l’activité
économique. Le charbon était, à cette époque, la principale source d’énergie. Le
Comité des Houillères s’intéressait surtout aux Polonais des mines de
Westphalie, qui savaient ce qu’était le travail d’un mineur de fond.
    Une famille vint s’installer dans la maison située en face
de la nôtre : le père, la mère et les six enfants, dont l’aînée avait à
peu près dix ans et le dernier quelques mois. Ils portaient pour tout bagage
quelques misérables baluchons dans lesquels ils avaient entassé toute leur
richesse.
    Ils se logèrent comme ils purent, avec les meubles que la
Compagnie avait mis à leur disposition provisoirement. Ils semblaient perdus, ne
parlaient pas un mot de français. Je les aidai beaucoup, dans les premiers
temps. J’indiquai à Martha, la mère, l’emplacement de la pompe à eau, de l’épicerie
des mineurs. C’était Anna, la fille aînée, qui faisait les courses. Au début, à
la boutique de Mélanie l’épicière, elle montrait du doigt ce qu’elle voulait. Progressivement,
ils apprirent à parler français. Les enfants surtout, avec l’école, devinrent
pratiquement bilingues, car ils continuaient de parler polonais chez eux.
    Ils étaient très pauvres, bien plus pauvres que nous. J’ai
longtemps vu Anna marcher pieds nus, faute de pouvoir acheter des chaussures. Elle
ne possédait, comme ses sœurs, qu’une seule robe, qu’elle mettait sur l’envers
pendant les jours de la semaine et sur l’endroit le dimanche seulement.
    Leur arrivée fut accueillie avec quelques réticences par les
Français. Charles, quelquefois, me disait :
    — À la fosse, ils parlent allemand entre eux. Cela ne
plaît pas beaucoup. Par moments, nous avons l’impression d’être encore en
guerre et d’avoir des Allemands autour de nous.
    Leur façon de vivre, aussi, causa beaucoup d’étonnement dans
le coron. Chez nous, le mineur français profitait souvent du dimanche et des
soirées pour cultiver son jardin. Par contre, je voyais Stephan, le mari de
Martha, se reposer après son travail. En dehors de la mine, il ne faisait rien.
C’était sa femme qui, en plus du travail de la maison, s’occupait du jardin. Et
le dimanche, l’un comme l’autre se reposait. C’était, pour eux, le « jour
du Seigneur », le repos dominical, c’était sacré.
    Ils ne se nourrissaient pas comme nous. Leur nourriture
était à base de charcuterie et de féculents. Peu à peu, ils s’intégrèrent, et
finirent par prendre nos habitudes. Malgré tout, ils se groupèrent, et eurent
bientôt leurs propres sociétés sportives, culturelles, leurs chorales, leur
curé, leur club de football.
    Anna fut conquise par Jean. Elle s’occupait beaucoup de ses
frères et sœurs, savait s’y prendre avec les enfants. Jean l’adora bientôt. Il
lui tendait les bras lorsqu’il la voyait, et bien souvent elle allait le
promener.
    Il avait deux ans, maintenant, et trottinait allègrement. Il
s’intéressait à tout. Je lui parlais beaucoup, et il m’écoutait gravement, essayant
de répéter ce que je lui disais. Ma mère et mes beaux-parents étaient fous de
lui, Charles et moi également. Ses progrès nous émerveillaient, il était pour
nous le centre du monde.
    Juliette aussi l’adorait. Il ne se passait pas une semaine
sans qu’elle vînt le voir. Il la connaissait bien et poussait des cris de joie
quand elle arrivait. Elle me

Weitere Kostenlose Bücher