La Prophétie des papes

Mon père est un homme intelligent, un mathématicien. Il a compris le code. Nous savons ce que signifient les tatouages. J’étais sur le point de le dire à ma sœur. La réponse provient des différences entre les textes A et B du Faust de Marlowe. Les tatouages disent “Malachie roi. Gloire aux lémures.” »
    Le visage de Tremblay se décomposa.
    Â«Â Mon Dieu…
    âˆ’ C’est quoi, les lémures ? » demanda Micaela.
    Pendant que Tremblay buvait nerveusement une gorgée de thé, Elisabetta lui rappela que Micaela était tenue par un accord de confidentialité avec le Vatican et elle lui demanda si elle, Elisabetta, pouvait parler librement. Il hocha la tête, avec gêne, et Elisabetta répéta ce qu’il lui avait dit des lémures et ce qu’ils avaient appris dans les archives secrètes.
    Lorsqu’elle eut terminé, Micaela demanda :
    Â«Â Et tu t’attends à ce que je croie ça ? Et tu me racontes que notre mère était en relation avec ces gens ? Qu’ils l’ont peut-être empoisonnée ?
    âˆ’ Je crains que tout ce que dit sœur Elisabetta soit absolument vrai, murmura Tremblay. Ce sont des ennemis féroces. Il vaudrait mieux qu’ils n’existent pas, mais ils existent.
    âˆ’ Et Malachie ? demanda Micaela en secouant la tête. Qui est-ce ?
    âˆ’ Je peux répondre à cela », répondit Tremblay.
    Ã€ la grande surprise d’Elisabetta, le prêtre connaissait parfaitement bien la prophétie et il en présenta un résumé efficace. Lorsqu’il eut terminé, il enroula son long index dans l’anse de sa tasse et la souleva pour boire la dernière gorgée, avant d’ajouter :
    Â«Â Je peux vous dire, Elisabetta, que nous ne pensions absolument pas que les lémures étaient impliqués dans l’histoire de Malachie. Personne au Vatican ne prenait la prophétie au sérieux. Ce fut une erreur et, maintenant, nous sommes arrivés au dernier pape annoncé par Malachie. Et peut-être le dernier espoir de notre monde. »
    Micaela fit montre de son mélange caractéristique de scepticisme et d’exaspération. « Suis-je la seule à avoir l’impression d’être dans la salle des miroirs d’une fête foraine ? C’est impossible ! Pour moi, tout ceci n’a aucun sens.
    âˆ’ Tu as vu Aldo Vani en chair et en os, dit Elisabetta. Tu as vu les photos de Bruno Ottinger. Ces hommes étaient des lémures. La prophétie de Malachie était assez importante pour qu’ils se la fassent tatouer sur les reins ! J’ai peur, Micaela. Ton analogie avec la fête foraine… nous ne sommes pas dans le palais des miroirs, mais dans la maison de l’horreur. Je crois que ces hommes ont l’intention de nuire prodigieusement à l’Église. »
    Tremblay tendit la main vers le dossier en cuir qu’il avait posé à ses pieds. Il l’ouvrit et en sortit une liasse de pages imprimées.
    Â«Â Votre sœur a raison, Micaela. Sœur Elisabetta, lorsque vous êtes partie ce matin, je suis retourné dans mon bureau et j’ai commencé à travailler pour découvrir qui était ce “R. A.” qui avait signé la sortie de la lettre de Dee en 1985, aux archives secrètes. La tâche a été ardue, j’ai fouillé les vieux dossiers du personnel du Vatican. Je crois que j’ai le nom de l’homme en question : un certain Riccardo Agnelli. C’était le secrétaire privé d’un évêque devenu aujourd’hui cardinal.
    âˆ’ Qui ? Quel cardinal ? demanda Elisabetta.
    âˆ’ Je vous le dirai dans une minute. Mais voici quelque chose de beaucoup plus important. Le temps que j’obtienne ma réponse, ma boîte mail était pleine de messages. Je suis abonné à un service qui scanne les journaux et les magazines à la recherche de certains mots clefs et symboles, comme la monade.
    âˆ’ Qu’est-ce que la monade ? » demanda Micaela.
    Elisabetta se pencha et la fit taire.
    Â«Â Attends ! »
    Tremblay posait des feuilles sur la table, l’une après l’autre.
    Â«Â Voici une annonce dans le New York Times d’aujourd’hui. » Elisabetta vit une petite image de la monade sans texte pour l’accompagner.