La Prophétie des papes

blason, son lieu de naissance, ses talents.
    Elisabetta passa rapidement la liste en revue, complètement captivée. La prophétie concernant Urbain VIII était Lilium et Rosa , « le lys et la rose ». Il était né à Florence, et il y avait une fleur de lys sur le blason de Florence ; il avait trois abeilles dessinées sur son écu, et les abeilles, bien sûr, collectent le pollen des lys et des roses.
    Marcel II était Frumentum Floccidum , le « froment prêt à tomber ». Insignifiant, sans doute parce qu’il n’avait été pape que très peu de temps et son blason comportait un cerf et des épis.
    Innocent XII était Rastrum in Porta , « le râteau à la porte ». Il appartenait à la famille Pignatelli del Rastrello qui habitait aux portes de Naples. Or rastrello signifie râteau en italien.
    Benoît XV était Religio Depopulata , « la religion dépeuplée ». Pendant son règne, la Première Guerre mondiale avait fait vingt millions de victimes en Europe, la pandémie de grippe en 1918 avait tué cent millions de personnes et la révolution d’Octobre en Russie avait écarté le christianisme au profit de l’athéisme.
    En 1958, à la suite de la mort de Pie XII, le cardinal Spellman de Boston s’était un peu amusé de la prophétie de Malachie qui annonçait que le prochain pape serait Pastor et Nauta , « Pasteur et nautonier ». Pendant le conclave qui élirait Jean XXIII, Spellman avait loué un bateau, l’avait rempli de moutons et avait longuement navigué sur le Tibre. En fait, Angelo Roncalli, le cardinal qui avait été élu pape, avait été le patriarche de Venise, la cité maritime célèbre pour ses canaux.
    Le pape Jean-Paul II était De Labore Solis , ce qui littéralement signifiait « Du labeur du soleil », bien que l’expression latine désignât également et couramment une éclipse de Soleil. Karol Józef Wojtyla était né le 18 mai 1920, le jour d’une éclipse partielle de Soleil sur l’océan Indien, et fut enterré le 8 avril 2005, un jour d’éclipse de Soleil sur l’Amérique du Sud et le sud-ouest du Pacifique.
    Et la série prophétique de Malachie allait jusqu’au 267 e et pénultième pape qui venait juste d’être enterré dans trois cercueils emboîtés, dans une crypte sous la basilique Saint-Pierre.
    Le 268 e pape, qui serait choisi lors du conclave qui allait commencer le lendemain, serait le dernier. Malachie l’appelait Pierre le Romain et lui donnait le titre le plus long : In persecutione extrema S.R.E. sedebit Petrus Romanus, qui pascet oues in multis tribulationibus : quibus transactis ciuitas septicollis diruetur, et Iudex tremendus iudicabit populum suum. Finis.
    Ce qui signifiait : « Dans la dernière persécution de la sainte Église romaine siégera Pierre le Romain qui fera paître ses brebis à travers de nombreuses tribulations. Celles-ci terminées, la cité aux sept collines sera détruite, et le Juge redoutable jugera son peuple. Ce sera la fin. »
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    Le caractère vague de ces prophéties rappela à Elisabetta les quatrains de Nostradamus, des idées concoctées par un charlatan de sorte que les gens puissent, à la faveur d’une ou deux bribes de la vie d’un pape, relier l’homme à son titre. En fait, différents érudits prétendaient que la prophétie de Malachie n’était rien de plus qu’un canular sophistiqué du XVI e siècle qui visait – sans y réussir – à aider le cardinal Girolamo Simoncelli à devenir pape.
    Et pourtant, encodé dans le Faust de Marlowe, se trouvait le message : MALACHIE ROI GLOIRE AUX LÉMURES – un message suffisamment important pour que ces lémures en fassent un tatouage sur leur sacrum.
    La formation d’anthropologue d’Elisabetta lui revint à l’esprit. On savait que l’utilisation des tatouages remontait à la période néolithique et probablement même encore plus loin. Les tatouages étaient les preuves d’un rite de passage, des marques d’un statut, d’un rang, d’une appartenance culturelle, des symboles de dévotion religieuse et spirituelle. Le symbolisme et l’importance des