La Prophétie des papes
principale salle de banquet était circulaire, installée sur un plateau mobile que les esclaves faisaient tourner jour et nuit pour imiter la rotation de la Terre dans les cieux. Ses bains chauds étaient remplis dâeau salée et dâeau soufrée.
Sa construction enrichit considérablement une multitude dâentreprises lémures, mais vida les coffres de lâEmpire. Ce qui nâempêcha nullement Néron de trouver sa démarche justifiée. Lorsque le palais fut béni et dédié, il dit quâenfin il pouvait vivre comme un être humain.
Tandis quâil évoluait dans ses pièces de plus en plus somptueuses, dâune débauche à une autre, lâEmpire grognait contre ses mÅurs dissolues. Lâhomme dâÃtat Caius Calpurnius Piso avait essayé de le renverser une année après le grand incendie ; Néron avait eu vent du complot et avait massacré tous les traîtres ainsi que leurs familles. Lâannée suivante, il y avait eu une révolte juive en Judée, qui avait exigé de Néron quâil supplie Vespasien, son estimé général, de sortir de sa retraite.
Les dépenses extravagantes de la Domus Aurea et dâautres projets de construction à Rome, ainsi que le coût du maintien de lâordre dans les territoires de son lointain Empire contraignirent Néron à lever encore plus dâimpôts dans ses provinces.
« Trouve-moi plus dâargent ! » braillait-il constamment à Tigellinus qui obéissait de son mieux, non sans prélever sa part personnelle sur toutes les transactions. Il sâétait habitué aux exigences grandissantes de Néron. Plus dâargent, plus de nourriture, plus de vin, plus de spectacles, plus dâorgies, plus de sang, en particulier, de sang chrétien.
Rien de tout cela ne dérangeait Tigellinus, mais les grandes familles lémures et lui sâinquiétaient de plus en plus à lâidée de perdre le contrôle quâils détenaient depuis lâépoque de Caligula. Comme ils regrettaient que Balbilus ne soient plus parmi eux pour lire les étoiles et leur dire ce qui les attendait !
Une nouvelle menace sérieuse était apparue en la personne de Gaius Julius Vindex, le gouverneur écrasé dâimpôts de Gallia Lugdunensis. La Gaule celtique était en rébellion ouverte. En fait, les légions de Néron avaient vaincu Vindex lors de la sanglante bataille de Vesontio, mais plutôt que de continuer à combattre pour Néron, les prétoriens victorieux sâempressèrent de proposer leur général, Verginius, comme nouvel empereur. Celui-ci refusa de céder à la trahison mais, dans lâEmpire, Servius Sulpicius Galba, gouverneur de la province romaine de lâHispanie tarraconaise, avait de plus en plus de sympathisants qui voyaient en lui le successeur du corpulent joueur de lyre, devenu fou, de la Maison dorée.
Malgré toute lâadversité à laquelle il fut confronté pendant ces temps troublés, Néron parvenait cependant à trouver toujours une esquive grâce à une amphore de vin et un certain apaisement dans les bras de Sporus.
Pendant lâété 65, Néron, à qui les notions de regret et de remords étaient totalement étrangères, commit le seul acte quâil aurait renié sâil avait pu. Sous lâeffet de lâalcool, il se laissa aller à un accès de rage déclenché par un motif dont il ne se souvint même plus le lendemain : il piétina, jusquâà ce que mort sâensuive, sa femme Poppée et son enfant à naître. Lorsquâil se réveilla le matin suivant, la tête dans un étau et la bile dans la bouche, et quâil vit le corps brisé sur les dalles de marbre et le sang de son épouse sur ses mains et ses pieds, il sanglota comme un enfant.
Il avait tué sa propre mère, il avait violé une vestale vierge, il avait commis dâinnombrables actes dâune gravité inouïe, mais aucun dâeux ne lâavait frappé comme le meurtre de Poppée. Après sa mort, il comprit quâelle lui manquait terriblement. Confronté à un vide béant, il tenta de le remplir aussi vite que possible. Chaque fois quâil entendait parler dâune femme qui ressemblait à Poppée, il la faisait venir et, si la ressemblance était
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