La Prophétie des papes
ordres à ceux qui restaient. Il voulait quâon prépare une flotte à Ostie pour lâemmener à Alexandrie. Entre-temps, il quitterait la Maison dorée le soir même. Elle était trop grande pour que tous les accès puissent être défendus et il sây sentait vulnérable. Les jardins serviliens entourés de murs, de lâautre côté du Tibre, étaient plus sûrs. Néron jeta de lâor à tous ceux, prétoriens et gardes germains, qui fuiraient avec lui, mais la plupart dâentre eux désertèrent sur-le-champ.
« Où est Sporus ? cria-t-il à Ãpaphrodite. Amenez-le-moi ! »
Ãpaphrodite le trouva dans les cuisines, en conversation avec un homme à la porte de service, près du jardin des aromates. Lâhomme sâévanouit dans la nuit.
« Qui était-ce ? demanda Ãpaphrodite.
â Juste un ami, dit Sporus en faisant la moue.
â Espèce de garce, il nây a quâun homme dont tu doives te préoccuper, dit Ãpaphrodite, et il exige ta présence. »
Tandis que Néron et ses proches franchissaient le Tibre, la majorité du Sénat marchait jusquâaux casernes des prétoriens. Ils déclarèrent que Néron était un ennemi de lâÃtat et prêtèrent allégeance à Galba. Les gardes germains de Néron reçurent lâordre de démissionner.
Il était minuit passé lorsque Néron et Sporus se couchèrent enfin dans la chambre de Néron, aux jardins serviliens.
Néron se redressa soudain.
« Tu nâarrives pas à dormir ? demanda Sporus dâun ton las.
â Il se passe quelque chose », répondit Néron, qui se leva dâun bond et appela Ãpaphrodite.
Lâhomme confirma les peurs de Néron. Le garde du corps impérial avait disparu.
Néron se précipita, hystérique, sur la berge du fleuve et, lorsquâil apparut quâil pourrait se jeter dans les eaux noires, lâun de ses derniers amis, lâaffranchi Phaon, suggéra quâils sâenfuient et aillent se réfugier dans sa propre villa, à quelques kilomètres de là , au nord. On trouva des chevaux et Ãpaphrodite donna une vieille cape et un chapeau de fermier à Néron puisque leur trajet passait à côté des casernes des prétoriens. Son dernier cercle était en fait très réduit : il se composait de Phaon, Ãpaphrodite et Sporus.
Ce fut pour un empereur un dernier voyage extrêmement épuisant. Se trouvant sur une route très passante il tenait un mouchoir contre son visage pour le cacher. Tandis quâils doublaient un fermier et sa mule, le cheval de Néron fit un écart, le forçant à se servir de ses deux mains pour retenir lâanimal. Lorsquâil retira son mouchoir, le fermier, qui avait été autrefois soldat, le reconnut et sâécria :
« Ave César ! Comment ont-ils pu te déclarer ennemi de lâÃtat ? »
Néron ne dit rien et poursuivit sa route.
Ils atteignirent la villa de Phaon, où Néron sâeffondra sur un canapé.
« Que fait-on aux ennemis de lâÃtat ? demanda-t-il.
â La punition est ancienne, dit Phaon, dâun air malheureux, tout en fouillant à la recherche dâune flasque de vin.
â Et quelle est-elle ? sâécria Néron.
â Câest un destin dégradant, César, dit Ãpaphrodite. Les bourreaux dépouillent la victime de ses vêtements, lui maintiennent la tête contre le sol avec une fourche en bois et, ensuite, ils la flagellent à mort avec des verges. »
Néron se mit à gémir.
Des chevaux arrivaient.
Néron fut pris de panique, il saisit une dague et la colla contre sa gorge, mais sa main ramollit et il relâcha lâarme qui tomba sur le plancher en cliquetant.
« Personne ne va donc mâaider ? » supplia-t-il.
Ãpaphrodite prit la dague et lâappliqua contre la gorge de Néron à nouveau, sa pointe à peine enfoncée dans la chair rose et flasque.
« Assure-toi que mon corps soit brûlé, gémit Néron. Je veux que personne ne voie ce que je suis.
â Oui, César », répondit Ãpaphrodite.
Néron contempla la fresque sur le plafond de Phaon. Elle représentait une femme assise jouant de la lyre.
« Un grand artiste
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