La Prophétie des papes
satisfaisante, il en faisait sa concubine. Mais personne ne parvint à satisfaire ses attentes autant que Sporus, un jeune affranchi qui, étrangement, lui rappelait son épouse. Néron sâenticha de lui immédiatement et il récompensa le jeune homme en le castrant pour sceller leur accord.
Lorsque ses blessures furent guéries, Néron lui mit une perruque, une robe et du maquillage pour quâil ressemble encore plus à Poppée, et lâépousa lors dâune cérémonie officielle où Tigellinus se vit contraint dâignorer sa dignité et conduisit la « mariée » à lâautel. Il le prenait dans son lit toutes les nuits et lui dit quâil lui trancherait la gorge si jamais il révélait quoi que ce soit concernant sa queue. Et pendant que les rumeurs allaient bon train dans toute la ville, Néron persécutait sans arrêt ses chirurgiens grecs pour quâils trouvent un moyen de transformer son eunuque en une véritable femme de manière à pouvoir lui baiser le visage tout en forniquant avec elle.
En juin, les jardins de la Domus Aurea étaient des plus odorants, mais les seuls qui parurent le remarquer étaient les esclaves qui sâoccupaient des parterres de fleurs et des arbres fruitiers. Néron et sa cour étaient occupés ailleurs. On venait de lâinformer que le traître Galba gagnait en puissance tandis que les chaleurs de lâété commençaient à sévir.
Néron sâétait brièvement réjoui de la défaite de Vindex quelques semaines auparavant, surtout parce quâil avait entendu le gouverneur de la Gaule celtique le traiter de mauvais joueur de lyre, mais Galba avait revêtu le manteau de la rébellion et faisait avancer ses légions vers lâItalie. La cour ne fut pas du tout rassurée lorsque Néron annonça son plan délirant pour réprimer lâinsurrection : il avancerait jusquâaux légions ennemies muni de chariots remplis dâaccessoires de théâtre et dâorgues hydrauliques accompagnés de concubines aux coupes de cheveux masculines et déguisées en amazones guerrières. Lorsquâil se retrouverait face à Galba, il ne ferait dâabord rien dâautre que pleurer. Et ayant ainsi éveillé le remords chez les rebelles, il mettrait en scène un grand spectacle pour eux avec des chants de victoire quâil aurait composés.
Un soir, à la nuit tombée, un émissaire arriva à la Domus Aurea, porteur dâun message de Tigellinus. Néron le lut et secoua la tête. Le temps était venu pour lui de partir. Il sâattendait à la nouvelle depuis longtemps et ses esclaves avaient vidé la villa et chargé les chariots et les wagons. Le général Turpilianius, le dernier des loyalistes qui commandait la force lancée contre Galba, avait fait défection. Tigellinus nâavait pas le moindre désir de mourir pour Néron et, malgré les richesses quâil avait accumulées avec les années, il lui restait le goût amer laissé par lâincendie déclenché sur ordre de Néron, qui lui avait fait perdre sa précieuse basilique Aemilia. Non, il allait décamper dans sa propriété de Sinuessa et y faire profil bas, parmi dâautres familles lémures. Ils trouveraient une solution. Ils en avaient toujours trouvé une.
« Quây a-t-il ? demanda Néron dâune voix pâteuse à Tigellinus lorsque celui-ci entra dans la salle à manger.
â Un message du champ de bataille. »
Néron passa son bras autour de Sporus et, au passage, renversa son précieux verre. « Eh bien, dis-moi ce quâil contient ! Je suis occupé, tu ne vois pas ?
â Turpilianius est passé dans le camp de Galba. »
Néron se mit debout et vacilla. Son secrétaire, Ãpaphrodite, accourut pour lâempêcher de tomber.
« Quâallons-nous faire ? » demanda Néron.
Tigellinus réfléchit un moment et, avant de partir à grands pas, il énonça un vers tiré de lâÃnéide , un adieu mordant, sarcastique.
« Est-ce donc un si grand malheur de mourir ? »
Voyant ses courtisans sâenfuir, Néron bredouilla et la salle à manger se vida. Il réussit à retrouver assez dâaplomb pour crier dâune voix râpeuse quelques
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