La Prophétie des papes
ennuis avec Mama. »
Â
Plus tard, une fois rentrée dans sa chambre, Elisabetta sâassit à son bureau en chemise de nuit et pantoufles, pour finir la lecture des articles que Micaela lui avait envoyés. Câétait aride. Le sujet était technique et franchement déplaisant â un abrégé de la littérature médicale sur les queues humaines. La plupart des rapports étaient en anglais et elle sâattaqua à ceux-là en premier. Dâautres étaient en français, en allemand, en russe et en japonais ; elle les garda pour plus tard.
Elle posa le quatorzième article de la journée traitant des queues humaines ataviques â un terme quâelle ne connaissait pas auparavant. Atavisme : réapparition dâune caractéristique perdue, typique dâun lointain ancêtre dans lâévolution. Comme dâautres atavismes, la littérature scientifique traitait des appendices caudaux humains comme dâun exemple de notre héritage commun avec des mammifères non humains.
Elisabetta nâallait pas se laisser entraîner dans un débat sur la biologie de lâévolution. Elle avait une formation scientifique et elle préférait laisser la doctrine de lâÃglise coexister en paix avec des truismes sur lâévolution, au moins dans son esprit à elle. Personne dans lâÃglise nâavait jamais eu lâoccasion de lâinterroger sur ses croyances en la matière et elle ferait de son mieux pour quâil en reste ainsi.
Ces appendices, apprit-elle, étaient rares chez lâhomme. Très rares : on ne disposait que dâune centaine de cas bien documentés dans le siècle passé. Elisabetta se força à examiner les photos, en particulier celles des bébés. Elles remuaient quelque chose en elle, quelque chose dâextrêmement dérangeant et vil, un profond dégoût. Et il y avait plus encore, de la peur. Une peur darwinienne ancienne, celle de la proie en présence du prédateur. Elle prit une profonde inspiration et reprit sa lecture.
La taille des queues humaines pouvait aller du petit appendice à un membre plus long, comparable à un serpent. Elles possédaient toutes la même structure que lâappendice des mammifères avec des os supplémentaires, jusquâà une demi-douzaine de vertèbres coccygiennes, recouverts de tendons, de muscle et de peau rose. Elles pouvaient bouger grâce aux muscles striés qui contrôlaient tous leurs mouvements.
La plupart des parents optaient pour une ablation chirurgicale de crainte que leur enfant ne soit stigmatisé et câétait pour cette raison que, chez les adultes, les queues étaient plus rares.
Les paupières dâElisabetta sâalourdissaient. Elle avait fini de lire tous les articles en anglais et elle les trouvait répétitifs. Un article allemand trônait au sommet de la pile. Il était extrait du Deutsche Medizinische Wochenschrift. Câétait un court article datant de 2007. Elisabetta maîtrisait mal lâallemand, mais elle comprit que le titre renvoyait à une étude de cas sur une queue humaine adulte. Le texte était dense et impénétrable.
Elle sâen occuperait au matin, décida-t-elle.
Il était temps pour elle de se vider la tête et de retrouver son équilibre avec une brève prière avant que le sommeil ne lâemporte.
En se levant de sa chaise, Elisabetta eut une soudaine envie de tourner la page. Elle essaya de se retenir, mais sa main bougea trop vite.
à la vue de la photographie, elle sentit ses jambes se dérober sous elle et elle retomba sur sa chaise si brutalement quâelle en eut le souffle coupé.
Mon Dieu.
Le corps nu dâun vieillard était allongé sur une table dâautopsie, photographié de la taille jusquâaux genoux.
Au-dessus des fesses masculines ridées on voyait un appendice, mesurant vingt centimètres, de sa base jusquâà son extrémité, si lâon en croyait la règle posée à côté. Il était épais à la base, cylindrique sur toute sa longueur, sans être effilé ; le bout était gros et court, comme le bout tranché dâune saucisse.
Mais ce nâétait pas tout.
Elisabetta essaya de déglutir, mais elle avait la bouche trop sèche. Elle plissa les yeux, courbée sur la photo, et
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