La Prophétie des papes
déçues », dit-il en prenant un dossier sur son bureau impeccablement ordonné.
Il étala une série de photographies en couleurs, une par une, comme un croupier de casino, en faisant claquer les coins. Elles représentaient toutes le dos flétri de lâhomme. Les premières étaient prises au grand-angle et les deux qui avaient été publiées avec lâarticle faisaient partie du lot. La queue était longue, elle descendait plus bas que les fesses. Sous la peau ratatinée, on distinguait les vertèbres supplémentaires.
Sur dâautres clichés, le champ était restreint et lâagrandissement augmentait à mesure que le photographe était remonté vers la partie conique attachée sur un minuscule os coccygien. Le diamètre de la queue sâélargissait au milieu ; de fins poils blancs recouvraient la peau. Avaient-ils été noirs lorsquâil était jeune ? se demanda Elisabetta.
Ensuite, Gunther sortit les photographies les plus intéressantes, celles de la base de la colonne vertébrale.
Il était peut-être impoli de se jeter dessus, mais Elisabetta ne put sâen empêcher. Elle attrapa lâun des gros plans et le dévora des yeux.
Les tatouages représentaient des nombres.
Trois demi-cercles concentriques de nombres entouraient la base de la queue.
Â
63 128 99 128 51 132 162 56 70
32 56 52 103 132 128 56 99
99 39 63 38 120 39 70
Â
Micaela, pour ne pas être en reste, avait mis la main sur une photographie similaire. « Quâest-ce que ça signifie ? demanda-t-elle.
â Nous nâen avons pas la moindre idée, dit Gunther. Nous nâavons toujours pas élucidé ce mystère. »
Ils se tournèrent tous les deux vers Elisabetta.
Elle secoua la tête, lâair découragé.
« Je nâen ai pas la moindre idée, moi non plus. Elle posa la photo sur le bureau. Est-ce que nous pouvons en avoir une copie ?
â Oui, certainement.
â Savez-vous autre chose de cet homme ?
â Nous avons son nom et sa dernière adresse, câest tout.
â Pouvez-vous nous les communiquer ? » demanda Elisabetta doucement.
Gunther haussa les épaules.
« Dâordinaire, la confidentialité envers les patients me lâinterdirait, mais lorsque la police sâest saisie de cette affaire, elle est devenue publique. » Il sortit une feuille du dossier. « Un jour, mesdames, vous me renverrez lâascenseur en me communiquant les résultats de vos recherches. Jâai lâimpression que vous avez des choses cachées dans vos manches.
â Les manches de ma sÅur sont plus larges que les miennes », répondit Micaela en souriant.
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Lâadresse dans Fischergasse était près de la cathédrale dâUlm et si les deux femmes nâavaient pas été pressées, craignant de manquer leur vol de retour, Elisabetta aurait essayé dây faire une courte visite. Lâédifice avait été, à ses débuts, une église catholique relativement modeste, mais la conversion de la région au protestantisme et la flèche grandiose ajoutée au XIX e siècle par les anciens en avaient fait la plus haute cathédrale du monde.
Leur chauffeur se gara devant une rangée de jolies maisons à colombages dans la vieille ville, assez près du Danube pour que le vent leur apporte le parfum du fleuve. Le numéro 29 était une imposante maison de quatre étages dont le rez-de-chaussée était occupé par une boulangerie.
Lorsquâelles arrivèrent, Micaela était collée à son portable, engagée dans une conversation très animée avec son petit ami Arturo. Elisabetta entra donc seule.
« Si tu ne trouves rien, au moins, laisse-moi rapporter des gâteaux », cria Micaela dans son dos.
La rue, agréable, plaisait à Elisabetta. Il aurait été merveilleux de trouver un banc et de passer un peu de temps seule. En dehors de quelques brefs moments dans la chapelle du couvent à lâaube, elle avait passé la journée entière sans prier. Elle se sentait mal, frustrée, et elle se demanda avec inquiétude si sa foi nâétait pas mise à lâépreuve. Et si câétait le cas, réussirait-elle à la surmonter et en sortirait-elle pure ?
Une cloche actionnée par un ressort
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