La Prophétie des papes
dâElisabetta. Son visage dur était totalement inexpressif. Il leva son couteau au-dessus de sa tête.
Il y eut un autre cri, plus près. Quelquâun hurla : « Hé ! »
Lâhomme se retourna vers lâendroit dâoù venait le cri.
Dans les secondes qui sâécoulèrent avant quâil ne revienne à Elisabetta et écrase sa poitrine dâun coup de poing, juste avant quâelle ne perde connaissance, elle remarqua la présence dâun détail étrange, troublant. Elle ne pouvait pas en être certaine â elle nâen serait jamais certaine â, mais elle crut voir quelque chose dépasser dans le dos de lâhomme, juste au-dessus de la ceinture lâche du pantalon. Câétait quelque chose qui nâaurait pas dû être là , quelque chose dâépais, de charnu et de répugnant, qui émergeait au milieu dâune multitude de petits tatouages noirs.
2
L E VATICAN, AUJOURDâHUI
L a douleur était sa compagne permanente, son bourreau particulier et, parce quâelle était devenue si intimement inscrite dans son corps et dans son esprit, dâune manière perverse, elle était aussi devenue son amie.
Lorsquâelle sâemparait de lui avec violence, raidissant sa colonne dans une souffrance atroce, il devait sâinterdire de laisser échapper les jurons de son enfance, de la langue des rues de Naples. Il avait un bouton quâil pouvait presser pour injecter une dose de morphine dans ses veines, mais, au-delà dâaccès occasionnels de faiblesse, généralement au milieu de la nuit, lorsque le sommeil lui paraissait si précieux, il évitait dây recourir. Le Christ aurait-il usé de la morphine pour alléger ses souffrances sur la Croix ?
Mais, lorsque le paroxysme de la douleur sâestompait, son passage laissait place à un vide plaisant. Il était reconnaissant des enseignements que ce tourment lui procurait : que la normalité était précieuse, et une valeur simple à chérir. Il regrettait dâavoir méconnu cette idée durant sa longue vie.
Il y eut un léger tapotement à sa porte et il répondit de la voix la plus forte possible. Une sÅur silésienne vêtue dâun habit gris effleurant à peine le sol entra dans la pièce au plafond haut en traînant les pieds.
« Votre Sainteté, dit-elle. Comment vous sentez-vous ?
â à peu près comme il y a une heure », dit le pape, esquissant un sourire.
SÅur Emilia, une femme qui nâétait pas beaucoup plus jeune que le souverain pontife, sâapprocha et sâempressa de débarrasser les objets posés sur la table de nuit.
« Vous nâavez pas bu votre jus dâorange, le réprimanda-t-elle. Est-ce que vous préféreriez un jus de pomme ?
â Je préférerais être jeune et en bonne santé. »
Elle secoua la tête et poursuivit son rangement.
« Laissez-moi vous redresser un peu. »
Son lit avait été remplacé par un lit dâhôpital inclinable. SÅur Emilia manipula la télécommande pour en relever la tête et, lorsquâil fut en position presque assise, elle approcha la paille de ses lèvres sèches et le regarda dâun air sévère jusquâà ce quâil consente à boire quelques gorgées.
« Bien, dit-elle. Zarilli attend pour vous voir.
â Et si je ne veux pas le voir ? »
Le pape savait que la vieille religieuse nâavait pas une once dâhumour, alors il laissa le silence sâinstaller pendant quelques secondes avant de lui dire que son visiteur était le bienvenu.
Le docteur Zarilli, le médecin privé du souverain pontife, attendait dans lâantichambre devant les appartements pontificaux au troisième étage, accompagné dâun autre médecin venu de lâhôpital Gemelli. SÅur Emilia les fit entrer dans la chambre à coucher et ouvrit les longs rideaux couleur ivoire de la fenêtre qui donnait sur la place Saint-Pierre, afin de laisser entrer les derniers rayons de soleil de cette belle journée de printemps.
Le pape leva un bras faible et adressa aux deux hommes un court salut officiel. Il était vêtu dâun simple pyjama blanc. Sa dernière thérapie lui avait fait perdre tous ses cheveux. Pour avoir chaud, il portait un
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