La Prophétie des papes
était un immense plateau en acajou de plusieurs mètres de long, placé devant une bibliothèque qui contenait un mélange éclectique de documents officiels, textes sacrés, biographies, textes historiques et même quelques romans policiers.
Ses deux secrétaires privés, un prêtre vietnamien et un Sarde, attendaient calmement, à sa disposition, leur jeune visage souriant.
« Je ne vous ai jamais vu si heureux dâêtre appelés pour travailler en pleine nuit, dit le pape dâun ton léger.
â Cela fait un moment que nous ne pouvons pas servir Votre Sainteté, dit le père Diep dans son italien chantant.
â Nos cÅurs sont pleins de joie », ajouta le père Bustamante avec une sincérité touchante.
Le pape, assis dans son fauteuil roulant, contempla les piles de papiers qui envahissaient son bureau autrefois impeccablement rangé. Il secoua la tête.
« Regardez ça, dit-il. On dirait un jardin laissé à lâabandon. Les mauvaises herbes ont envahi les parterres de fleurs.
â Les affaires courantes sont assurées, dit Diep. Les cardinaux Aspromonte et Diaz cosignent les documents du jour. La plupart de ceux qui sont ici sont des copies à votre intention.
â Permettez-moi de faire usage du peu de capacités que jâai ce soir pour mâoccuper dâune ou deux affaires ecclésiastiques vitales. Choisissez celles qui conviennent. Ensuite, je veux aller prier dans ma chapelle avant dâêtre à nouveau obligé de garder le lit sous les ordres de sÅur Emilia et du docteur Zarilli. »
Â
Le vin provenait de la propriété du frère dâAspromonte, qui envoyait régulièrement des caisses au Vatican. Aspromonte était aussi généreux quand il servait à boire que lorsquâil offrait des bouteilles.
« Le sangiovese est excellent, dit Diaz, levant son verre pour lâadmirer à la lumière du chandelier. Mes félicitations à votre frère.
â Lâannée 2006 a été magnifique pour lui et, en fait, pour tous les vignerons de Toscane. Je vous en enverrai une caisse, si vous voulez.
â Ce serait merveilleux, merci, répondit Diaz. Prions pour que les conditions lui soient aussi favorables cette année.
â Il faut dâabord que les pluies cessent, grogna Giaccone. La journée dâaujourdâhui a été plutôt claire. Mon Dieu ! Ces trois dernières semaines nous avons eu droit à un vrai déluge. Nous devrions envisager la construction dâune arche.
â Cela affecte-t-il votre travail ? demanda Aspromonte.
â Je viens dâarriver dâune réunion de la Commission pontificale et je peux vous dire que les archéologues et les ingénieurs sont très inquiets quant à lâintégrité des catacombes sur la via Appia Antica, en particulier celles de Saint-Sébastien et Saint-Calixte. Les terres qui les recouvrent sont tellement gorgées dâeau que certains arbres ont été déracinés par des rafales de vent. On craint des affaissements et des effondrements. »
Diaz secoua la tête et posa sa fourchette.
« Ce ne sont pas les seules causes dâinquiétude.
â Le Saint-Pèreâ¦Â » dit Aspromonte doucement.
Diaz dit avec pondération.
« Ils sont nombreux à attendre que nous fassions ce quâil faut, que nous nous chargions des préparatifs.
â Vous voulez dire, que nous préparions un conclave », rectifia Giaccone brutalement.
Diaz hocha la tête.
« La logistique nâest pas une mince affaire. On ne peut pas, simplement en claquant des doigts, rassembler tous les cardinaux électeurs.
â Ne pensez-vous pas que nous devrions avancer prudemment sur ce terrain ? demanda Aspromonte, finissant de mâcher sa dernière bouchée de bÅuf. Le pape est vivant et, si Dieu le veut, il le restera. Et nous devons faire attention à ce que ne transparaisse aucune aspiration personnelle. »
Diaz vida son verre et laissa Aspromonte le remplir. Il jeta un regard par-dessus son épaule pour vérifier quâils étaient bien seuls.
« Nous sommes amis. Nous avons travaillé la main dans la main tout au long de ces trois dernières décennies. Nous nous sommes confessés les uns les autres. Si nous ne pouvons pas nous parler avec franchise,
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