La Prophétie des papes
bonnet de laine qui avait été tricoté par la tante dâun de ses secrétaires particuliers.
« Votre Sainteté, dit Zarilli. Vous vous souvenez du docteur Paciolla ?
â Comment pourrais-je lâoublier ? répondit le pape dâun ton ironique. Il mâa soumis à un examen très approfondi. Approchez, messieurs. Souhaitez-vous que sÅur Emilia vous apporte du café ?
â Non, non, merci, répondit Zarilli. Le docteur Paciolla a les résultats de vos derniers scanners à la clinique. »
Les deux hommes en costume noir et au visage sombre, ressemblaient plutôt à des employés des pompes funèbres quâà des médecins. Le pape choisit de traiter leur apparence avec légèreté.
« Ãtes-vous venus pour me conseiller ou mâenterrer ? »
Paciolla, un grand Romain cultivé, accoutumé à soigner les hommes riches et puissants, ne parut pas décontenancé par le décor de cette visite à domicile, ni par lâimportance du patient.
« Simplement pour informer Votre Sainteté. Certainement pas pour vous enterrer.
â Tant mieux, dit le pape. Le Saint-Siège a des affaires plus importantes à traiter quâorganiser un conclave. Expliquez-moi, donc. Fumée blanche ou fumée noire ? »
Paciolla baissa la tête quelques instants, puis il croisa le regard serein du pape.
« Le cancer nâa pas réagi à la chimiothérapie. Je crains quâil ne se soit étendu. »
Â
Le cardinal Aspromonte passa sa grosse tête à la calvitie naissante dans la salle à manger pour sâassurer que le vin pétillant préféré du cardinal Diaz était bien posé sur la table. Câétait un détail insignifiant pour le secrétaire dâÃtat et chamberlain de la sainte Ãglise romaine, mais il était sensible à ces détails. Son secrétaire privé, monseigneur Achille, un homme maigre et nerveux qui avait, longtemps auparavant, suivi Aspromonte de Gênes au Vatican, attira son attention vers la bouteille verte qui se trouvait sur le buffet.
Aspromonte marmonna son approbation et disparut un instant, pour revenir lorsquâil entendit le téléphone sonner.
« Câest probablement Diaz et Giaccone. »
Achille décrocha le téléphone de la salle à manger, hocha la tête avant dâordonner dâun ton raide :
« Faites-les monter.
â Cinq minutes dâavance, dit Aspromonte. Avec les années nous avons bien éduqué nos invités, nâest-ce pas ?
â Oui, Votre Ãminence. Je trouve que oui. »
Monseigneur Achille escorta les cardinaux Diaz et Giaccone dans le bureau aux murs couverts de livres où Aspromonte attendait, ses mains veinées de bleu croisées sur son ventre considérable. Ses appartements privés étaient magnifiques, grâce à des travaux de rénovation récents financés par une riche famille espagnole. Il accueillit les deux hommes chaleureusement, ses bajoues tremblèrent lorsquâil leur serra la main. Puis il envoya Achille chercher des apéritifs.
Les trois vieux amis portaient des soutanes noires bordées de rouge avec une large ceinture rouge, mais là sâarrêtaient leurs ressemblances. Le cardinal Diaz, le vénérable doyen du Collège des cardinaux, qui occupait autrefois le poste dâAspromonte, celui de secrétaire dâÃtat, était le plus âgé â il avait soixante-quinze ans, mais il était le plus imposant. Il dominait largement ses collègues. Dans sa jeunesse à Málaga, avant dâembrasser la prêtrise, il avait été un boxeur poids lourd remarquable et il avait gardé, à son âge, des traces de son passé athlétique. Il avait de grandes mains, un visage carré et une importante chevelure grise, mais son trait le plus remarquable était son maintien, toujours très droit, même lorsquâil était assis.
Le cardinal Giaccone était le plus petit. Son visage était marqué de rides profondes, il avait des joues flasques, un nez retroussé et sa mine renfrognée pouvait mystérieusement se transformer en un sourire par un très léger mouvement des muscles. Le peu de cheveux qui lui restait était concentré au-dessus de sa nuque de taureau. Tout insignifiant quâil puisse
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