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La Régente noire

Titel: La Régente noire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Franck Ferrand
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ambitions italiennes.
    — Mais pensez-vous !
    Le beau-frère du roi haussait les épaules.
    — Sa Majesté ne se laissera pas vaincre aussi facilement.
    M. de Brézé n’eut pas la cruauté de demander à son hôte par quels moyens le roi comptait reprendre l’avantage.

    À l’issue du festin, les tables une fois escamotées, il appartenait à l’illustre convive d’ouvrir le bal avec la maîtresse de maison. Le duc d’Alençon ne se fit pas prier ; il mena la grande sénéchale en une pavane aussi grave, aussi empesée que possible, mais où Diane fit montre, comme toujours, d’une noblesse très au-dessus du commun. Tant il était vrai que chez elle, l’agilité de l’esprit ne le cédait en rien à celle du corps.
    Forteresse de Chantelle.
    À Chantelle, un escadron de dames avait investi la chambre d’Anne de Beaujeu. Pendant qu’on la coiffait, qu’on la parait, des valets firent entrer, par la double porte, une litière aux rideaux blanc et or. La princesse voulut bien s’y laisser installer ; quatre porteurs soulevèrent ensuite le brancard, et au prix de longues manœuvres dans l’escalier abrupt, emmenèrent leur précieux chargement jusqu’à la terrasse en à-pic sur le ravin. Quand on eut rouvert les rideaux devant les collines de son cher Bourbonnais, Anne de Beaujeu joignit les mains devant ses lèvres passées au rouge, et ouvrit des yeux émerveillés sur un paysage, il est vrai, grandiose. Le connétable était à ses côtés.
    — On pourrait croire que vous voyez cela pour la première fois, s’étonna-t-il.
    — Ou pour la dernière... Ces buttes-là sont nos os, mon fils, et ces terres, notre moelle ! Tâchez de ne jamais l’oublier.
    — Et vous, tâchez donc de ne pas prendre froid, dit-il en ajustant une étole de loup-cervier aux épaules de la princesse.
    Anne de France s’appuya mollement aux coussins de la litière ; elle contempla de loin chaque arbre, chaque ruisseau, puis ferma les yeux et s’abandonna au chant des oiseaux. Un rayon de soleil réchauffait ses jambes ankylosées.

    — Charles ?
    — Ma mère.
    — J’ai fait de vous mon légataire unique.
    La chose étant prévue depuis neuf mois déjà, le connétable se contenta d’acquiescer. Elle poursuivit.
    — Vous allez hériter bientôt Gien, Cariât et Murât. En plus des duchés de Bourbon et d’Auvergne, des comtés de Clermont et Forez, des vicomtés et seigneuries de Châtellerault, de Beaujolais, d’Annonay, de Bourbon-Lancy, de Roche-en-Régnier ! Tout cela pour vous, mon petit ! De sorte que, si le roi de France et sa mère persistent à vous chercher des poux dans la tête, il leur faudra démêler toute une tignasse !
    Elle serra les mâchoires, rouvrit les paupières ; ses yeux gris, brillants, nerveux, étaient ceux d’une fille de vingt ans.
    — Ma Suzanne a eu bien de la chance de pouvoir vous serrer dans ses bras, mon petit Charles. Vous ai-je dit que, parfois, je me suis surprise à l’envier ?
    — Ma mère !
    — C’est pourtant vrai ! Mon mari était un excellent prince ; simplement il était Jupiter plus qu’Apollon ; et il avait vingt ans de plus que moi... Charles ?
    — Plaît-il ?
    — Louise de Savoie aussi vous a connu, n’est-ce pas ?
    — Une fois.
    — Elle a été la première...
    — Oui.
    — C’est bien ce que je pensais.

    Les courtisans du connétable, ameutés par les manœuvres dans l’escalier, avaient fini par approcher, à la manière de moineaux venant grappiller les miettes d’un dîneur. Ils firent bientôt cercle autour de la litière. La plupart étaient impatients de constater l’état de la fille de Louis XI, qui depuis des mois vivait comme recluse en ses appartements. La princesse sourit poliment aux uns et aux autres, et voulut bien satisfaire à leur curiosité.
    — Monsieur de Lurcy ! appela-t-elle.
    — Madame ?
    Un gentilhomme s’était détaché du petit groupe pour venir s’incliner devant la litière.
    — Monsieur de Lurcy, n’est-ce pas que la journée est agréable...
    — Fort agréable, madame.
    L’échange en resta là. D’un geste poli mais ferme, le duc de Bourbon fit signe aux curieux de se retirer. C’est alors que se produisit l’inattendu : les courtisans, spontanément, se mirent à applaudir – applaudir en sourdine d’abord, puis de plus en plus fort, à mesure qu’Anne de France les encourageait par ses saluts et ses grâces. À la fin, le connétable lui-même battait des mains.
    —

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