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La Régente noire

Titel: La Régente noire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Franck Ferrand
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révérence.
    — Monsieur le connétable m’a fait la grâce de partager mon repas, crut bon de préciser la reine.
    Le monarque la reprit d’un ton rogue.
    — C’est vous, madame, qui faites les grâces.
    Assurément, le roi n’était pas dans son état normal. Un curieux air de finesse bridant son visage, un éclair malsain dans son regard et, plus encore, la puissance d’une voix anormalement sonore, trahissaient chez lui un excès de boisson.
    Le duc de Bourbon sentait fort bien monter l’orage ; aussi faisait-il des efforts pour se montrer le plus discret, le plus soumis possible.
    — Sire, nous disions justement...
    — Ce que vous disiez, mon cousin, ne me regarde pas. Ce qui me concerne, en revanche, c’est ce mariage admirable que vous vous apprêtez à faire.
    — Certes... La princesse Renée ferait, je pense...
    — Je sais fort bien, monsieur, et tout le monde sait comme moi, qu’il entre surtout dans vos intentions d’épouser la sœur de l’empereur.
    — Sire, je...
    — Et puisque l’empereur Charles est pour l’heure l’ennemi de mes peuples, je ne suis pas certain, au vrai, de pouvoir approuver ce choix.
    Le connétable, debout, affichait tout ensemble une raideur et une pâleur cadavériques. Il était grand, mais François, plus grand que lui, fit le geste de lui toucher l’épaule pour le faire asseoir. Charles se dégagea dans un mouvement de défiance qui fit gronder l’assistance, au demeurant sidérée.
    — Allons, allons, ricana le roi. Vous voilà bien chatouilleux !
    — Sire, je supplie Votre Majesté...
    — « Je supplie » ! hurla soudain François. « Je supplie Votre Majesté » ! Eh bien moi, mon cousin, je supplie tous ceux qui vous conseillent de bien mesurer la portée de leurs avis.
    — Sire...
    — Faites bien attention !
    — Je perçois une menace...
    — Oui, monsieur, vous percevez bien !
    — Assurément, je n’ai pas mérité semblable traitement.
    D’un pas raide et précipité, le connétable se dirigea vers l’issue.
    — Si c’est mon épée que vous souhaitez reprendre, je vous la ferai remettre sous peu.
    — Moi, je ne vous reprends rien !
    — Si ce n’est mes domaines ! Les terres de ma défunte épouse et celles de ma bien-aimée marraine ! En voilà plus, cette fois, bien plus que ne saurait souffrir un homme d’honneur !
    Le connétable de France disparut sous les regards tétanisés de l’assistance. La reine fondit en larmes, ce qui eut pour effet de faire frémir son époux de colère. Moment terrible. François quitta la pièce à son tour, dans un silence lourd de réprobation partagée.
    Montbrison.
    Q uand il aperçut les murs de Montbrison, Jean de Saint-Vallier ne put réprimer un hosanna de soulagement. Il avait chevauché quatre jours en dépit d’un accès de fièvre  17 plus tenace que de coutume.
    — Allons, j’aurai bientôt bonne table et bon lit ! lança-t-il à l’homme d’église et au marchand qui avaient chevauché à ses côtés depuis Lyon.
    Dominant la ville, la tour des comtes de Forez semblait tout à la fois familière et menaçante. Messire Jean désigna les bannières qui pendaient à son faîte.
    — Le connétable est en ses murs. Voyez comme on pavoise !
    — Êtes-vous attendu ? s’enquit l’abbé.
    — Pour tout avouer, je viens ici quêter le soutien du duc de Bourbon dans une affaire d’union importante pour ma famille.
    — En ce cas, peut-être serez-vous reçu !
    Saint-Vallier le toisa.
    — Apprenez donc, mon père, que les gens de ma famille sont toujours bienvenus chez les Bourbons, et spécialement chez Monseigneur ! Voyez-vous, en mon jeune temps, j’ai moi-même combattu sous son père...
    La pluie récente avait semé la route de flaques, et constellé buissons et taillis de gouttelettes. Elle avait surtout détrempé les voyageurs qui, du coup, avisèrent avec joie l’enseigne d’un bouge. Les trois hommes, dès qu’ils eurent mis pied à terre, se trouvèrent assiégés d’enfants du faubourg en quête de menue monnaie. Le marchand, par amusement surtout, les chassa comme on eût effrayé des pigeons.
    Un aigre fumet d’oisons rôtis mit les trois voyageurs en appétit, dès qu’ils eurent franchi le seuil du cabaret. La salle principale en était pauvrement meublée de tables à tréteaux couvertes de tapis douteux, avec des bancs hétéroclites. Dans un coin, près d’une fenêtre aux carreaux translucides, un groupe de soldats jouait aux dés.

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