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La Régente noire

Titel: La Régente noire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Franck Ferrand
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était loin d’être à son terme quand on pria le prêtre de hâter les derniers sacrements : le greffier criminel et un secrétaire attendaient à la porte. Leur mission était – à défaut du supplice des brodequins – de recueillir d’ultimes révélations du condamné et, si possible, les noms d’autres complices.
    — J’ai dit tout ce que j’avais à dire, trancha Saint-Vallier d’une voix plus ferme et comme rassérénée.
    — N’avez-vous pas, en confession...
    — J’autorise mon confesseur, ici présent, à vous livrer tout le détail de mes propos.
    Les deux hommes allaient ressortir quand le gentilhomme déchu, décidément ragaillardi, les rappela vivement. Il entendait demander qu’on lui permît de menus legs en faveur de ses serviteurs, d’un fils naturel, ainsi que de sa fille légitime Françoise, en vue de la doter. À la fin, il se permit une précision, de cette voix sonore qui avait été la sienne, autrefois, mais qu’on n’avait plus entendue depuis son arrestation.
    — Ai-je besoin, messires, de vous rappeler que la terre de Sérignan étant au pape, il ne saurait être question de la confisquer à mon fils aîné, Guillaume ?
    Ce regain de fermeté ne dura pas. À peine pensait-il à ses enfants, à ses proches, que Jean de Saint-Vallier tombait des affres de la terreur en celles de l’amertume. Il refusa de manger ou de boire quoi que ce fût, et manqua de perdre connaissance quand les aides du bourreau vinrent le préparer. Comme il tremblait, l’un d’eux crut peut-être qu’il avait froid et, renonçant à le déchausser, jeta de surcroît sur ses épaules, au moment de l’extraire des geôles, une sorte de chape doublée de renard.
    Jean n’en avait pas moins les mains liées, la tête nue : son calvaire commençait.

    Un ciel gris, très bas, pesait sur la Cité, donnant à ses maisons de plâtre et de torchis, entassées dans les rues, amoncelées sur les ponts, un aspect plus lourd et triste encore que de coutume. L’air humide et froid, parcouru de bourrasques, saisit le pauvre Jean.
    Le lieutenant criminel voulut le faire hisser sur un cheval. Mais il était si faible, désormais, qu’on craignit de le voir tomber ; aussi un archer vint-il en croupe, sur la même monture, pour le maintenir. Chevauchant une mule à côté de lui, son confesseur pouvait lui tendre un crucifix à baiser. Entouré d’une troupe d’arbalétriers, d’un détachement du guet à pied et à cheval et des sergents du Châtelet, le sinistre cortège traversa la Seine en direction de la Grève. À mesure que l’on approchait du terme, une foule nourrie s’écartait de mauvaise grâce pour laisser passer le condamné, qu’elle dévisageait sans haine, certes, mais avec une impudeur affreuse.
    Ce trajet prit vite, pour l’ancien gentilhomme, un tour assez irréel. Plus il avançait vers cette place dont la trouée, là-bas, se dessinait vaguement, et plus la réalité de ce qu’il vivait lui échappait. Jean de Saint-Vallier ne parvenait plus à réaliser qu’il vivait ses derniers instants. Sa fille, la belle et bonne Diane, son gendre, le grand sénéchal, tous ses amis de la Cour l’auraient-ils abandonné ? Le roi lui-même le connaissait et l’appréciait. Et la reine, et Madame en personne qui, à Lyon dix-huit mois plus tôt, l’avait si gracieusement reçu ! « Fiez-vous à moi », tels avaient été ses propres termes !
    — Il faut que j’écrive à Madame ! dit le condamné à son confesseur.
    Le curé de la Madeleine le foudroya du regard.
    — Il n’est plus temps, mon fils, de songer aux affaires de ce monde. Usez plutôt les forces qui vous restent à préparer votre passage dans l’autre.
    Ces quelques mots ruinèrent le peu de confiance qu’avait pu rassembler le malheureux ; ils eurent même un effet si néfaste sur lui que l’archer, dans son dos, eut toutes les peines à le maintenir en selle. Le cortège approchait à présent de l’échafaud, dressé non loin de la maison aux Piliers, siège de l’échevinage. Il était temps, pour les gens du Parlement, de remettre le condamné aux mains des exécuteurs.
    Deux bourreaux se saisirent du père de Diane dès qu’on l’eut descendu de cheval. Ils le hissèrent sur les planches, lui retirèrent sa cape, le mirent en simple pourpoint – toujours mains liées et tête nue. Une infâme douleur avait pris possession du ventre du condamné, tenaillé moins par la honte, sans doute, que

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