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La Régente noire

Titel: La Régente noire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Franck Ferrand
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à découvrir les conspirations et machinations faites contre nous, nous préservant ainsi des maux qui nous guettaient, notre plaisir est de commuer et changer la peine de mort, et de remettre ledit Jean de Poitiers dans sa prison jusqu’à ce que nous décidions de son sort. »
    À ces mots, le curé de la Madeleine laissa si bien éclater sa joie qu’il embrassa tout bonnement le bénéficiaire, prenant à témoin les bourreaux des bienfaits du prince et de la Providence. Le public montra moins d’allégresse, et frustré du spectacle, conscient d’avoir été berné, manifesta bruyamment sa colère. Plusieurs hommes du guet furent blessés dans les échauffourées qui s’ensuivirent ; près des planches, on huait à présent l’homme qu’on eût volontiers pleuré, quelques instants plus tôt.
    Le principal intéressé, lui, mit un moment à émerger de l’état d’hébétude où l’avait plongé la conviction de devoir perdre la vie. Mais quand il eut enfin conscience de ce qui lui arrivait, loin de sauter de joie, Jean de Saint-Vallier s’effondra tout au contraire et, la face contre le plancher, laissa jaillir de ses entrailles une plainte étrange dont on n’aurait pu dire ce qu’elle trahissait davantage, de soulagement extrême ou d’extrême lassitude.
    1 - On appelait ainsi le bourreau de la capitale.

Chapitre VII
    Automne 1524
    Chapelle du château de Blois.
    P endant l’été, la pieuse et douce reine Claude, épuisée par trop de grossesses, avait fini par rendre l’âme. Les médecins la disaient partie d’une infection mystérieuse. Mais certains à la Cour, parlant sous le sceau du secret, insinuaient que c’était le roi, son trop infidèle époux, qui lui avait transmis le mal de Naples 1 ...
    Du reste, François était loin de sa femme lorsque l’avait atteint la nouvelle de sa mort. En effet, le connétable félon, ayant retrouvé des troupes et un appui, menaçait de contrôler bientôt toute la Provence ; et le roi avait pris la tête de l’armée partie la lui disputer  21 ... Les funérailles attendraient bien son retour ! On avait donc embaumé le corps de la reine, et entreposé son cercueil de plomb dans un caveau de la chapelle Saint-Calais, au château de Blois.

    C’est là que la grande sénéchale, dame d’honneur de la défunte, se trouvait par un triste matin de fin d’été, priant Dieu pour cette âme candide.
    Un tel moment de recueillement était aussi, pour Diane de Brézé, l’occasion de faire retour sur elle, et de songer à ses propres infortunes. En apprenant la grâce de Saint-Vallier, sa première pensée avait été pour ses filles, qui n’auraient pas à subir l’infamie d’un grand-père mort sur l’échafaud. Elle s’était aussi réjouie pour son mari, dont la faveur éclatait à chaque ligne de l’édit royal, et pour ses frères et sœurs qui, pas plus qu’elle-même, ne verraient leur échapper des biens transmis dans la famille depuis des générations.
    Ensuite seulement, elle avait songé au condamné. Au risque de paraître dure, insensible, Diane ne cherchait pas à cacher que son père l’avait affreusement déçue. Qu’un tel gentilhomme, si beau, si fier, eût pu fouler aux pieds les intérêts de ses proches au point de se rendre complice de la pire des trahisons, qu’il eût eu la vanité de sacrifier le bonheur des siens sur l’autel d’ambitions chimériques, voilà ce que sa fille aînée, prétendue bien-aimée, ne pouvait – et ne voulait – comprendre. Elle avait dit, une fois, qu’elle eût préféré le savoir mort plutôt que déchu ; elle le pensait.
    Mais en son for intérieur, aussi bien, elle avait eu pitié des faiblesses de Saint-Vallier. Elle avait tenté, cent fois, de se mettre à sa place, lui avait peu à peu cherché des excuses, avait fini par en trouver. Avec le temps étaient revenus les souvenirs d’enfance, et la poignante nostalgie des chevauchées de jeunesse à travers le pays diois... Oui, Diane s’était prise à regretter de ne pouvoir serrer dans ses bras ce père prisonnier ; elle s’était imaginée, déplorant avec lui leurs illusions envolées. Et quand elle avait su qu’on ne le tuerait pas, elle avait rendu grâce à Dieu de sa miséricorde, et loué très haut la magnanimité de Madame et du roi.
    Une question se posait à présent : le reverrait-elle ? La chose eût été facile, depuis qu’on avait renvoyé le condamné gracié à son donjon de Loches...

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