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La Régente noire

Titel: La Régente noire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Franck Ferrand
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Cependant Diane hésitait. Elle avait laissé passer l’été, et l’automne venant, remettait cette perspective à l’hiver. Visiter son père au cachot ? Le voir souffrir et s’humilier ? Partager des soupirs impuissants et gémir de concert sur les duretés de l’existence ? À la vérité, la grande sénéchale redoutait tout cela. Et lorsqu’elle osait se montrer franche avec elle-même – ce qui était fréquent –, elle allait jusqu’à se dire qu’elle n’en ressentait peut-être pas l’envie.

    Diane se retourna : Françoise de Longwy venait d’entrer dans le caveau. Sans un mot, elle fit de la tête un signe à Diane qui comprit aussitôt : on l’attendait d’urgence à la pouponnière. Depuis quelques jours en effet, la princesse Charlotte, fille aînée des enfants royaux, dépérissait à vue d’œil. À huit ans à peine, elle avait mal surmonté le décès de sa mère, et s’était laissé gagner par une rougeole insidieuse. À présent elle agonisait.
    Diane se signa plusieurs fois et, avant de se relever pour suivre Françoise, supplia les mânes de la défunte reine d’intercéder en faveur de la fillette.
    — De grâce, madame, ne la rappelez point à vous ! Laissez-la-nous encore un peu !
    Château de Blois .
    A u chevet de l’enfant mourante, la princesse Marguerite faisait la même prière. Mais, plutôt qu’à Claude, elle l’adressait à Jésus. Librement et sans intercession. Les antiennes qu’elle répétait nuit et jour depuis le début de la semaine avaient fini par la convaincre elle-même que la petite survivrait. Il ne lui semblait pas pensable que le Seigneur mît fin si tôt, si mal, à cette vie sans tache ; il n’était pas imaginable pour elle qu’on eût décidé, Là-haut, de séparer cette petite âme douce, de ce petit corps charmant.
    Marguerite se redisait avec ferveur les paroles de consolation qu’elle avait reçues de Mgr Briçonnet, lorsqu’il avait appris la maladie de la princesse Charlotte. Avec le fatalisme onctueux des gens d’église, l’évêque de Meaux avait tenté de faire entendre à sa correspondante que les voies du Seigneur étaient impénétrables, et qu’en montant aussi vite au Ciel, une enfant avait toutes les chances de connaître les ravissements suprêmes et la perfection du royaume de Dieu... D’un côté, cette assurance était douce au cœur de la croyante ; et Marguerite en venait presque, au plus fort de la méditation, à envier le sort de sa nièce. Mais à d’autres moments, dès que les vérités tangibles de ce monde revenaient jusqu’à son esprit, la femme de chair et de sang souffrait violemment d’une fin si précoce et tellement injuste.
    Elle prit dans ses doigts la main potelée, exsangue, de sa nièce, et la trouva si froide, soudain, que son cœur se serra et qu’elle ne put réprimer un sursaut. Alors, comme réveillée, la petite ouvrit les yeux. Elle esquissa un pâle sourire et, dans un effort courageux, leva la main jusqu’au visage de sa tante pour essuyer ses larmes.
    — Ma Charlotte, soupira la duchesse d’Alençon, mon petit ange, reste avec nous !
    Mais déjà le sourire de l’enfant se figeait.
    — Tu m’entends ? demanda Marguerite. Reste ici, avec moi ! Charlotte ? Oh non !
    La petite rendait son dernier souffle, et les dames assemblées virent la haute silhouette de leur maîtresse se casser d’un coup et s’effondrer sur le corps, le palper, le secouer désespérément en gémissant de manière affreuse.
    — Non ! hurlait-elle. Je ne veux pas ! Non, Seigneur ! Miséricorde !
    Lorsque Diane et Françoise entrèrent dans la chambre, on tentait d’éloigner Marguerite de la dépouille de sa nièce. Elles aidèrent à conduire vers une antichambre la princesse évanouie, tandis qu’on apportait déjà de quoi toiletter la princesse morte.

    — Il faut prévenir Madame, articula Marguerite lorsqu’elle émergea d’un long moment de prostration.
    — Vous sentez-vous assez forte pour lui annoncer la terrible nouvelle ?
    Diane de Brézé n’attendit même pas la réponse. Elle soutint la sœur du roi par le bras gauche, Françoise de Longwy la prit par le bras droit ; et toutes trois, éplorées, cheminèrent vers les appartements de la régente. Car depuis le départ du roi pour le Midi, sa mère avait repris le titre de régente de France.
    Elles la trouvèrent seule, affalée sur le prie-dieu de sa chambre, couverte d’une vaste chape de taffetas

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