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La Régente noire

Titel: La Régente noire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Franck Ferrand
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chrétiens ?
    Marguerite fut bien forcée de reconnaître qu’un tel raisonnement en valait d’autres, et qu’à tout prendre, il offrait le mérite de la franchise.
    — Le roi est bien gardé, fit-elle observer à Cavriana. Sa prison est en hauteur et les murs en sont épais...
    — Je connais le donjon comme ma propre maison, rétorqua le capitaine. Et je sais un moyen sûr de s’en évader !
    Marguerite resta un temps muette.
    — Un moyen sûr, dites-vous... Lequel ?
    Le capitaine sourit dans sa barbe.
    — Chaque soir, depuis une semaine, un serviteur noir, de haute taille, entre dans la cellule, les bras chargés de bûches. Il nettoie le foyer de la cheminée, ranime le feu, évacue les tisons... Il se trouve que ce Noir m’est dévoué à la vie, à la mort. Vous n’auriez qu’à convaincre le roi de raser sa barbe, et de s’enduire de suie le visage et les mains ; il revêtirait la tenue du porteur de bois et ressortirait au nez de la garde, sans que quiconque vienne à se méfier. Le temps que l’on retrouve mon homme ficelé, le vôtre serait loin...
    — Cela suppose de prévoir une escorte légère, et des chevaux de rechange en grand nombre, jusqu’aux Pyrénées.
    Cette fois, Cavriana ne retint pas son rire.
    — Princesse, observa-t-il, je vois que mon idée fait son chemin dans votre esprit !
    — Je crois qu’elle a surtout progressé dans mon cœur.
    Madrid, donjon de Los Lujanes .
    E n moins d’un mois, le roi avait recouvré, sinon le moral, du moins la santé. Et c’est un homme en forme qui se jeta dans les bras de sa grande sœur. Marguerite s’assura que son teint, ses traits, ses yeux surtout, avaient repris saine apparence.
    — Racontez-moi tout, demanda François. Je veux tout savoir.
    Par besoin personnel plus que par politique, elle prit le temps de lui narrer chaque détail de sa mission à Tolède – sans s’attarder pour autant aux aspects décevants de la négociation ; elle s’en serait voulu d’affecter une humeur déjà fort dégradée.
    Marguerite avait acheté pour son frère, comme on rapporterait des présents à un enfant malade, tout un lot de superbes rasoirs dont il la remercia avec effusion.
    — Vous pourriez être amené à en faire bientôt le meilleur usage, hasarda-t-elle quand ils restèrent seuls et qu’elle fut certaine du relâchement des sentinelles, à la porte.
    — Il faut m’en dire davantage.
    Alors Marguerite fit part à son frère et seigneur de sa rencontre avec le capitaine espagnol, des intentions de celui-ci, du plan qu’il avait élaboré et des raffinements qu’elle-même se proposait d’y apporter...
    Le roi n’eut pas ses pudeurs ; il ne partagea pas ses scrupules initiaux. Au contraire : tout heureux de voir se concrétiser un rêve qu’il avait caressé dès son internement à Madrid, il accueillit avec enthousiasme un projet qui, enfin, le ramenait à l’action.

    — Oh mignonne, dit-il en embrassant sa sœur, mais que serais-je sans vous ?
    — Sans moi vous ne seriez pas – ni moi sans vous !
    — D’où vient-il que nous soyons si proches, et que nous entendions les mêmes choses ?
    — Peut-être sommes-nous frère et sœur, fit remarquer Marguerite avec une pointe d’ironie.
    — Non, dit le roi. C’est beaucoup plus que cela. Les frères et sœurs que je connais ne s’aiment pas comme nous nous aimons.
    — Peut-être nous connaissons-nous mieux qu’ils ne se connaissent...
    — Oui, c’est cela. Nous nous connaissons si bien !
    François prit sa sœur dans ses bras et couvrit de baisers son visage marqué par cette éprouvante mission. Marguerite le laissa faire ; elle le laissa lui caresser les cheveux et la nuque, voulut bien qu’il l’embrassât dans le cou, accepta même ses mains le long de son corps.
    — Me le donneras-tu enfin, mignonne ? M’offriras-tu ce baiser ?
    Alors sans réfléchir, sans hésiter, elle décida de lui en faire don. Un baiser franc, profond et volontaire, le baiser d’une amante à l’homme de sa vie, d’une femme éperdue de passion à celui qu’elle adorait depuis le premier instant.
    Le roi eût pu en rester là ; mais il en attendait davantage. Ses sens exacerbés par l’abstinence s’emparèrent de son esprit, jusqu’à le dominer. François voulut posséder Marguerite. Et sans doute y serait-il parvenu si un serviteur noir n’avait surgi à temps, qui apportait des bûches pour la nuit.
    La princesse, tout en se rajustant, put mesurer le

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