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La Régente noire

Titel: La Régente noire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Franck Ferrand
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relations étroites avec les ennemis de nos ennemis, jusqu’aux Turcs eux-mêmes, et avec les amis de nos ennemis, à commencer par le pape. Et puis elle aura su flatter, récompenser, trahir même à dessein, et sacrifier la chair de sa chair ! Cette femme étonnante, messieurs, cette dirigeante d’un plan supérieur, voilà qu’enfin elle se sera damnée, damnée pour sauver la couronne de son fils – mais aussi bien, damnée pour sauvegarder le vieux royaume de France !
    Tolède .
    — M a très chère, j’ai toute confiance en vous ; faites que nous puissions bientôt nous revoir, et pour nous appeler du beau nom de sœur 2  !
    Tel avait été, dans son espoir et son désespoir, le vœu formulé par Éléonore de Habsbourg devant Marguerite, quand l’empereur, son frère, avait choisi de l’éloigner sous un oiseux prétexte. Les deux princesses s’étaient entendues à merveille – mieux : elles donnaient le sentiment de s’être trouvées ; au point que Charles Quint, redoutant quelque alliance féminine, préférât les séparer.
    — Bien sûr, nous nous reverrons, avait assuré Marguerite en camouflant son amertume ; et j’espère, moi aussi, que nous deviendrons sœurs.

    Son amie partie, toute l’énergie dont débordait la duchesse d’Alençon fut mobilisée en conférences verbeuses, stériles. Le chancelier Gattinara, oubliant peut-être qu’il avait servi, jadis, la Maison de Savoie, se montrait intraitable envers les émissaires français, et spécialement rude à l’égard de Marguerite. Il ne s’embarrassait même pas des formes que l’empereur lui-même avait su y mettre. D’une façon générale, les ministres impériaux donnaient le sentiment de vouloir tout obtenir et ne céder sur rien.
    — Le chancelier Gattinara n’est pas un homme d’honneur, souffla un jour la princesse au président de Selve. Si vous saviez ce que, pour obtenir la paix, j’ai pu concéder lors de mon arrivée !
    Seule la discrétion de ce haut magistrat le priva d’en apprendre davantage sur la trahison, par la France, de ses nouveaux alliés italiens.

    Chaque soir au palais Mendoza, la princesse recevait à souper les émissaires français. Les débats de la journée y étaient commentés dans toute leur dureté, à peine adoucis par la gastronomie castillane...
    — Ce Gattinara n’est là que pour me jouer de bons tours, estimait Marguerite.
    — Il a protesté deux fois, aujourd’hui, qu’il aimait le roi François, fit observer Philippe Chabot de Brion.
    — Chacun affirme qu’il aime le roi, mais la preuve tarde à venir... La vérité, c’est que tous ces messieurs me croient plus tendre que je ne suis ; ils connaissent ma passion pour mon frère, et se figurent que, pour le tirer de sa prison, je serais prête à faire bon marché des intérêts de la Couronne. C’est mal connaître l’éducation que nous avons reçue de notre mère. Tant pis : ils en seront pour leurs frais.

    Après deux semaines de ce régime, la duchesse d’Alençon estima que le jeu n’avait que trop duré. Murée dès lors dans un silence hautain, elle déserta la table des négociations, sans avoir transigé d’un pouce avec l’honneur français.
    Tolède, palais Mendoza .
    L a princesse, vivant désormais retirée dans ses appartements, ne les quittait plus que pour des visites pieuses et de rares pèlerinages. C’est au cours de l’un d’eux qu’un capitaine espagnol, Cavriana, chevauchant auprès de sa litière, se fit connaître d’elle et gagna sa confiance au point d’être admis à lui faire une proposition inouïe.
    — Je sais, lui glissa-t-il en grand secret, un moyen sûr de faire évader le roi, votre frère.
    Le premier mouvement de Marguerite fut de rejeter une telle infamie. Elle, fille de France, accepter un marché digne du brigandage ? Fallait-il qu’on la crût éprise de son frère, pour oser lui soumettre pareil projet ! Et si c’était un piège ? Une machination de ces Espagnols pour la pousser à la faute et déconsidérer sa mission ?
    — Considérez que vous n’avez jamais formé ce dessein devant moi, exigea-t-elle. Et même, estimez-vous heureux que je n’aille pas vous dénoncer.
    — Enfin, madame, ne voyez-vous pas que l’empereur et ses ministres vous rançonnent vous-même comme le feraient de vulgaires bandits ? Croyez-vous que le chantage qu’ils font subir au roi, votre frère, soit digne de relations entre deux souverains

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