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La Régente noire

Titel: La Régente noire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Franck Ferrand
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quelque gaucherie, quelque apparente incertitude, une cuisine fort maîtrisée par ailleurs.
    Ce que résumera le poète Clément Marot :
    Dix-huit ans je vous donne
    Belle et bonne,
    Mais à votre sens rassis
    Trente-cinq ou trente-six
    J’en ordonne.

    —  Vous paraissez surgie d’un conte, estima le souverain repu.
    — D’un conte de Boccace, ironisa-t-elle.
    — Serait-ce vrai, ce que l’on dit ? Que vous joignez la beauté morale à la beauté physique ?
    — C’est la même, seigneur ; c’est une chose qui vient d’ici...
    Elle avait pris la main du roi pour la promener sur son cœur.
    — C’est doux, dit-il naïvement.
    — C’est trompeur.
    Et elle lâcha sa main.
    François fut un moment silencieux, comme s’il cherchait un mot, une phrase dignes d’elle. Elle sut prévenir aussi ce travers et, avant qu’un début de gêne ait eu le temps de s’immiscer entre eux, vint poser son adorable visage sur la poitrine du monarque.
    — Je sais bien à qui vous songez...
    Elle lui chatouillait le mamelon de ses cils.
    — Et à qui donc ?
    Allait-elle faire état de la comtesse ?
    — Vous songez à nos petits princes, Dieu les garde ! Votre pensée vole au renfort de François et d’Henri. Vous êtes le meilleur des pères.
    Le roi fut stupéfait de tant de justesse et d’habileté réunies.
    — Et vous, la meilleure des amies.
    Cognac .
    A ux pires moments de sa détention, le roi de France avait tenté de repousser le désespoir en songeant, en se raccrochant même, au soleil d’avril sur la Charente et sur les coteaux de Saintonge, emplis de belle vigne. Aussi n’avait-il eu d’autre but, une fois libre, que d’aller retrouver là-bas cette lumière d’enfance, cet air doux, ce pays bucolique... La Cour s’était fixée à Cognac.

    Dans ce cadre familier, Marguerite apprivoisait un tout nouveau bonheur. On la disait fort éprise.
    — De qui donc ?
    — D’un jouvenceau, pensez : onze ans de moins qu’elle !
    C’est chez sa mère, à son retour d’Espagne, qu’elle avait croisé Henri d’Albret, modeste roi de la Navarre. Capturé lui aussi à Pavie, il avait réussi à s’évader de sa prison lombarde et, dans des conditions dignes d’un roman, était parvenu à s’enfuir, pour gagner Lyon. Le public, surtout féminin, buvait ce conte avec ravissement – quand il ne dévorait pas des yeux le conteur... En un mot, Henri se trouvait auréolé de son évasion, comme Marguerite l’était elle-même de son aventure espagnole. Pouvait-on parler de rencontre ? Vif et tout blond, drôle et très athlétique, le jeune roi de Navarre s’insinua en tout cas dans le cœur de la princesse, sans qu’elle l’eût décidé, sans qu’il s’en rendît compte. Une bonne âme le mit au courant ; il y trouva quelque intérêt ; une idylle se noua rapidement, avec l’accord de Madame et la bénédiction lointaine d’un frère qui voulait, avant tout, le bonheur de sa « mignonne ».
    Au fond, la régente se réjouissait plutôt de cette alliance inattendue : sa fille connaîtrait une félicité qu’elle-même s’était vu refuser... Madame souriait. Ses douleurs, avec l’arrivée du beau temps, s’estompaient ; l’avenir se parait de couleurs plus chaudes. Elle aurait presque pu, certains jours, se croire revenue trente ans en arrière.

    Le chancelier Duprat, peu sensible à l’euphorie générale, se chargea, ce soir-là, de ramener la régente sur terre.
    — L’ambassadeur de Praët, au nom de l’empereur, réclame toujours sa ratification, dit-il. Il faut le comprendre, cet homme : le roi avait promis de confirmer le traité de Madrid dès son retour en France !
    — Trouvez un nouveau prétexte !
    — Je crains, madame, d’en avoir épuisé tout un lot. Nous avons, pour différer les choses, fait valoir tour à tour la dispersion du conseil, l’éloignement des sceaux, l’insuffisante qualité des signataires délégués... J’ai même dû, ce matin, feindre une impatience inquiète à recevoir la nouvelle reine !
    — Je vous admire, dit Louise, qui n’avait pas une once d’admiration dans la voix.
    Le chancelier se permit d’insister.
    — Vraiment, madame, ce jeu de dupes est éventé. Nous ne pourrons finasser beaucoup plus longtemps...
    — Soit ! En ce cas, dites la vérité à l’empereur ! Faites-lui savoir que nous ne rendrons point la Bourgogne et que nous méprisons Bourbon !
    Le chancelier ouvrit de grands yeux.
    — N’y

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