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La Régente noire

Titel: La Régente noire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Franck Ferrand
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qu’impressionnés : éberlués, par ce déploiement de magnificence, rappelant presque, par sa démesure, les excès du Camp du Drap d’or.
    François I er , que la jeune Anne d’Heilly avait suivi sans déparer pendant toute la chasse, réaffirmait enfin sa puissance. Il reçut le vice-roi de Naples – ce même Charles de Lannoy qui l’avait cueilli au soir de Pavie – et l’ambassadeur de Praët, dans un pavillon de brocart d’or, doublé de taffetas écarlate. On y foulait d’épais tapis de soie ; l’on y était servi par des pages vêtus comme princes, dans une vaisselle de vermeil artistement ciselée. Une musique divine paraissait y tomber du ciel.
    — Messieurs, dit le roi aux représentants de l’empereur, je vous prends un instant à l’écart pour vous signifier bien clairement que jamais je ne ratifierai ce traité extorqué sous la contrainte à mon désespoir.
    — Sire, nous...
    — Laissez ! Vous devez savoir – et M. Duprat vous le redira demain en présence de tout mon conseil – que cet acte est pour moi nul, non avenu, réputé n’avoir jamais existé.
    — Sire...
    — Laissez donc. Assurément, la guerre va reprendre, et je vous prie d’avertir votre maître que, cette fois, nous ne la ferons pas seuls contre tous.
    — Mais...
    — Dieu vous garde, messieurs. Que la journée vous soit douce !

    Le roi de France rejoignit au-dehors un quarteron de grands officiers nouvellement nommés. Il y avait là Montmorency, institué grand maître à la place du bâtard de Savoie, tombé à Pavie ; Chabot de Brion, consacré amiral à la place de Bonnivet, tombé à Pavie ; Brézé, grand sénéchal, promu lieutenant-général de Normandie à la place de La Trémoille, tombé à Pavie... François eut beau leur expliquer qu’il venait, en quatre phrases, d’effacer de l’Histoire le nom même de Pavie, ces dévoués serviteurs ne purent s’empêcher de songer, sans malice aucune, que certains noms ne se biffent pas si aisément dans les annales.
    Vitoria.
    É léonore de Habsbourg s’ennuyait doucement avec ses dames, dans les jardins en contrebas du château sans âge. Elle observait d’un peu loin, en se protégeant les yeux, les petits princes de France qui jouaient au mail ou, plus exactement, à la chicane. Armés de longs maillets, ils percutaient la boule de buis avec une force et une précision surprenantes pour leur âge... Elle ne put se défendre de les trouver charmants. Le dauphin surtout, si délié, si fin, avec des pauses toujours gracieuses ; mais le visage rond et l’aspect plus râblé de son jeune frère ne manquaient pas non plus d’agrément.
    — Ces petits n’ont pas eu de chance, soupira la reine.
    Elle se disait qu’avec un peu de temps, elle pourrait, sinon remplacer leur mère, la défunte reine Claude, du moins leur offrir une chaleur, un soutien presque maternels... Encore fallait-il que tout rentrât dans l’ordre entre l’Empire et la France. Et cela dépendait de cette paix qui tardait à s’installer.
    La duchesse de Brissac, gouvernante du dauphin, était sagement assise au côté de l’ancienne reine de Portugal, par procuration reine de France. Elle apprécia son attendrissement pour les princes.
    — Leur âge est dépourvu de tracas, considéra-t-elle dans un sourire nostalgique.
    — Détrompez-vous, répondit la reine.
    Le matin même, au sortir de la grand-messe, elle avait pu lire de l’angoisse dans le regard des princes tandis qu’ils traversaient, dans sa litière, la place de la Vierge-Blanche, couverte d’une foule indiscrète. Le prince Henri, surtout, lui avait paru se défier de cet agglutinement de témoins soucieux d’apercevoir les otages de l’empereur.
    — Vos jeunes maîtres ont parfaitement compris la gravité de leur situation, ajouta Éléonore ; et je ne serais pas surprise qu’ils en conçoivent tôt ou tard une appréhension que vous devrez calmer.
    — Si seulement j’étais calme moi-même...
    La gouvernante, en vérité, s’inquiétait beaucoup pour les princes, comme pour tous ceux qui les accompagnaient. À commencer par son propre fils, Artus, lui aussi fort investi dans la partie de chicane... La reine sourit à Mme de Brissac.
    — Rassurons-nous ! Le roi François ne saurait tarder, maintenant, à ratifier le traité de Madrid. Dès qu’il l’aura fait, nous pourrons, tous ensemble, enfin passer en France.

    Elle se tut en voyant s’avancer, par une allée ombreuse, le duc de

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