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La reine du Yangzi

La reine du Yangzi

Titel: La reine du Yangzi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jacques Baudouin
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anglais ou américains. Et je veux être le premier sur ce nouveau marché.
    Olympe pose sa serviette et regarde son fils avec la même indulgence que lorsque, enfant, il lui décrivait lesroyaumes imaginaires qu’il se construisait dans les arbres du jardin.
    — Je dois reconnaître que tu es un excellent patron et que, grâce à toi, la Compagnie du Yangzi n’a jamais été aussi prospère. Tu as fait de bons investissements, tu nous as fait entrer dans des secteurs auxquels ni Joseph ni moi n’avions songé et tu réalises de très jolis bénéfices. Tu as souvent été visionnaire, comme ton père, et je te dis bravo. Mais à force de multiplier les investissements, de nous diversifier comme tu dis, de nous faire passer du commerce fluvial aux moteurs, de l’assurance maritime aux filatures et maintenant à l’importation d’automobiles, nous risquons un jour de ne plus très bien savoir où nous en sommes.
    — C’est papa et toi qui avez commencé à vous lancer dans d’autres activités, je te le rappelle. Et l’immobilier de la Compagnie, c’est toi. Tu as fait preuve d’audace, à l’époque, c’est une réussite complète qui nous rapporte beaucoup d’argent. Mais il faut vivre avec son temps. Aujourd’hui arrive celui des automobiles et des transports modernes. Il faut en être.
    Olympe est partagée entre sa fierté d’avoir un fils aussi visionnaire et cette sourde inquiétude qui ne la quitte en réalité plus depuis son séjour dramatique à Pékin.
    — Je reconnais que tu as raison, dit-elle. Mais le climat des affaires n’est pas bon en ce moment. Il y a des grèves, des mouvements de protestation, des attaques contre nous, les Européens, et Joseph lui-même paraît un peu désorienté par cette évolution. J’ai l’impression que les Chinois vont tout faire pour nous chasser. Ce n’est pas le meilleur moment pour te lancer dans un nouvelle activité. Je crains qu’elle ne soit l’affaire de trop, celle qui ruine tout le reste.
    Louis regarde sa mère avec émotion. Et, en l’observant,il mesure l’ampleur de ses responsabilités mais aussi de son insouciance. Car c’est lui qui décide pour eux tous, Olympe, Laure et Joseph. S’il se trompe de chemin, s’il fait le mauvais choix, ils en subiront les conséquences. Quant aux tensions sociales, il est le mieux placé pour en juger puisqu’il en est l’un des instigateurs depuis qu’il a aidé les ouvriers à créer un syndicat.
    — C’est un peu irrationnel comme façon de voir, répond-il. Et si on attendait le meilleur moment pour se lancer, on ne ferait jamais rien. Tu sais mieux que personne combien le business est affaire d’instinct, de pari et que si l’on se pose trop de questions, on n’avance pas. C’est en me fiant à mon instinct que j’ai répondu à la Banque d’Indochine quand elle m’a proposé de devenir l’un des actionnaires de référence de la Compagnie française de tramways qu’ils sont en train de créer : j’ai dit oui sans hésiter.
    — Le conseil municipal a enfin accepté de se pencher sur le problème des transports ? Il était temps, les Anglais ont déjà mis en service des trolleybus et ils sont en train de poser les rails de leur première ligne de tramway.
    — J’en déduis que tu ne t’opposes pas à ce que la Compagnie du Yangzi prenne une participation dans cette affaire ?
    — Au contraire. Shanghai doit être une ville moderne, la plus moderne du pays, l’égale de Londres, de Paris ou de New York. Et si nous voulons que la Chine entre elle aussi dans le XX e  siècle, c’est ici, à Shanghai, qu’elle doit commencer. C’est le meilleur moyen de garder les Chinois de notre côté.
    — Je me doutais bien que tu serais d’accord avec moi, dit Louis en souriant à sa mère.
    Il aime qu’elle se montre toujours aussi engagée pour ce pays, ces Chinois qu’elle aime tant et à qui, elle lerépète à chaque occasion, elle doit tout. Lui aussi, il est engagé, différemment sans doute puisque, au lieu d’être un philanthrope comme sa mère avec son orphelinat, il s’est placé du côté des ouvriers. Mais, au fond, ils veulent la même chose tous les deux. Sauf qu’Olympe n’imagine pas une seconde que son fils, par amusement autant que par conviction, est l’un des inspirateurs des grèves.
    — Sois prudent, Louis, conseille Olympe tandis qu’il se lève pour lui dire au revoir. Ne fais pas trop de folies, ni avec ta satanée automobile, ni avec

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