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La reine du Yangzi

La reine du Yangzi

Titel: La reine du Yangzi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jacques Baudouin
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présente Emma, lance-t-il, en l’aidant à descendre, apparemment très fier de lui. Soyez gentils avec elle, Emma est très farouche.
    En prenant la main de la jeune fille, Olympe s’étonne de la sentir si petite, si fragile, si froide, comme un oiseau blessé, et lui sourit avec bienveillance.
    — Soyez la bienvenue, mademoiselle, dit-elle en lui faisant signe d’entrer. Tu aurais dû me prévenir, Louis, j’aurais mis un couvert de plus.
    — Cela m’aurait été difficile, maman. Je ne la connaissais pas il y a encore une demi-heure.
    Habituée aux coups de folie de son fils et à son mépris des conventions, Olympe ne peut s’empêcher de rire et le prend par le bras pour gravir les marches avec lui.
    — Et où l’as-tu rencontrée, cette fois ? ironise-t-elle.
    — En venant ici, devant le Cathay Hotel. Elle avait l’air complètement égarée.
    — Et n’écoutant que ton bon cœur, tu nous l’as amenée. Tu as bien fait. Vous êtes de Shanghai, Emma ? demande-t-elle.
    — Je viens de Harbin, répond la jeune fille d’une toute petite voix et avec un léger accent russe.
    — Emma est juive, maman. Elle m’a expliqué qu’elle avait fui à cause de la révolution. Elle n’a pas mangé depuis des jours. Je ne pouvais pas la laisser dans cet état.
    Tandis que Laure emmène la jeune fille pour lui proposer un bain et lui trouver des vêtements propres, Louis poursuit ses explications.
    —Elle cherchait la Shanghai Jewish Communal Association et je l’ai invitée à venir d’abord chez nous.
    — Il y a de plus en plus de Russes en ce moment, dit Patrick avec un peu de mépris. Cela commence à poser un sérieux problème.
    — Shanghai a toujours attiré les réfugiés de toute sorte, répond Louis. Papa en était un, à sa façon, ne l’oublie pas. 
    Une fois à table, et encore tout étonnée de se retrouver habillée d’une tunique chinoise à sa taille empruntée à Mme Hu, Emma accepte de raconter son aventure. Sa voix ténue tremble par moments quand ses souvenirs deviennent trop douloureux.
    — Je m’appelle Emma Leyman et je suis originaire de Minsk. Comme de nombreux juifs, mes parents sont venus s’installer à Harbin, dans l’ancienne Mandchourie russe, pour fuir les pogroms. Là nous ne risquions rien. Mais, quand la révolution a éclaté, mon père a craint que les rouges ne traversent la frontière et ne viennent envahir la ville. Il avait beaucoup de biens et a décidé de venir se réfugier ici. Les juifs ne risquaient rien à Shanghai et on pouvait y entrer sans passeport, disait-il. On a pris un train pour atteindre la côte mais, une nuit, les soldats d’un seigneur de la guerre mandchou nous ont attaqués. Un massacre horrible. Mes parents ont été tués. J’ai réussi à me cacher et à m’enfuir jusqu’à Yingkou. Là, j’ai pu embarquer dans un bateau contre les quelques pièces d’or que papa m’avait données. Je suis arrivée ce matin.
    — Et où comptez-vous dormir cette nuit ? demande Louis.
    — Je comptais sur l’Association juive pour trouver un lit. 
    — Vous pouvez rester ici le temps que vous désirez, propose Olympe. Il vous faut reprendre des forces et ensuite, si vous le voulez, nous pourrons vous aider à trouver un travail.
    —Acceptez, insiste Louis. Vous serez mieux ici que dans un dortoir pour réfugiés. Sauf si votre religion vous l’interdit.
    — Sans vous offenser, après ce que j’ai subi, ma religion n’a plus grand-chose à m’interdire, répond Emma avec un sourire triste.
    — Mais elle pourrait vous apporter du réconfort, affirme Joseph.
    — Seuls les hommes en sont capables, monsieur. Pas Dieu, il est trop loin.
    Joseph veut répondre que ce sont les hommes également qui apportent le malheur mais préfère se taire pour ne pas ajouter au désespoir de la jeune fille.
    — C’est pourquoi vous devez rester ici, mademoiselle, intervient Laure. Vous êtes bien tombée, nous sommes assez éloignés de toute religion, sauf Oncle Joseph et Tante Marie-Thérèse, et peut-être mon mari, qui préfère rester muet sur ce sujet, n’est-ce pas mon chéri ? ironise-t-elle en se tournant vers Marc qui a l’air tétanisé par le récit d’Emma.
    Après la tension suscitée par ce que chacun a pu imaginer du drame vécu par la jeune fille, la verve de Laure provoque quelques rires soulagés. Marc et elle sont rentrés d’Amérique quelques jours plus tôt et ce sont leurs premières retrouvailles avec leurs

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