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La reine du Yangzi

La reine du Yangzi

Titel: La reine du Yangzi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jacques Baudouin
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tête, Olympe reconnaît les constellations familières, Da Xiong Zuo , la Grande Ourse, Xian Hou Zuo , Cassiopée et les trois belles étoiles de l’été, Deneb, Altaïr et Vega, ses étoiles préférées, qu’elle n’appelle plus depuis longtemps que par leur nom chinois, Tian Jin Si , He Gu Er et Zhi Nü Yi .
    Sur l’horizon, à l’ouest, les lueurs d’un incendie drapent le noir céleste d’oripeaux rougeoyants. Le silence est total, déchiré parfois par le hurlement rauque d’un Boxer ivre qui leur crie sa haine, là-bas, de l’autre côté des murailles. Il est minuit passé et Olympe se dit qu’elle vit peut-être sadernière nuit sur terre. Le bruit court que demain, à l’aube, les Boxers lanceront leur dernière attaque et que les Légations seront submergées sous leur nombre. Avec Patrick, elle est décidée à défendre chèrement sa peau et elle sait déjà que sa dernière balle sera pour elle. Pour calmer son angoisse et se rendre utile, elle apporte de l’eau et des biscuits aux soldats autrichiens et français, postés derrière leurs barricades, qui attendent, eux aussi, l’ultime assaut des Boxers et se rassurent comme ils peuvent. Elle trouve la force de sourire à chacun, espérant qu’à l’heure des combats, l’image de femme bienveillante qu’elle leur renvoie donnera à ces hommes le courage nécessaire pour affronter une dernière fois l’ennemi.
    En pénétrant dans l’hôpital bondé où, en compagnie des autres femmes, elle aide du mieux qu’elle peut le médecin et l’infirmière, elle se dit sans trop y croire qu’un miracle est toujours possible puisque cette nuit du 13 août prépare la prochaine assomption de la Vierge. Tout le monde dort malgré la chaleur, quelques blessés geignent dans l’obscurité, l’odeur aigre des chairs éventrées, des membres amputés, du sang répandu la prend à la gorge. Assis sur une chaise branlante, le docteur Matignon, héroïque depuis des semaines, lui fait signe qu’il n’a pas besoin d’elle et elle décide de rejoindre Patrick, de quart aux barricades américaines sur le chemin de ronde des remparts. Depuis le début du siège, un détachement de marines américains s’y accroche et tient tête au bastion fortifié chinois qui le surplombe de ses hauts murs, et aux Boxers qui tentent de les déloger.
    — Patrick ? appelle-t-elle doucement pour ne pas réveiller les soldats qui ont sombré dans le sommeil.
    À quelques pas, elle reconnaît sa silhouette qui lui fait signe et s’approche des créneaux derrière lesquels il est posté.
    —Tu aurais dû rester en bas, chuchote-t-il.
    — Je voulais être près de toi, répond-elle dans un murmure. C’est peut-être notre dernière nuit ensemble et, s’il faut mourir, je veux que ce soit avec toi, en me battant.
    Patrick pose son fusil, la prend dans ses bras, dépose un baiser sur ses lèvres et sans un mot reprend sa faction. Blottie contre lui, elle a l’impression d’être revenue au Moyen Âge et son esprit vagabonde. Étrangeté du cours d’une vie, se dit-elle, sinuosités contrastées des mondes et des êtres qui s’y meuvent : elle se trouve renvoyée quelques siècles en arrière, dans une Chine médiévale alors même qu’elle est protégée par un Américain et son fusil. Un coup de canon la tire brusquement de sa rêverie. Un second, Patrick la lâche et se redresse pour voir ce qui se passe de l’autre côté, c’est la nuit noire, autour d’elle on se réveille, on s’agite, on grogne. Un troisième coup de canon la fait tressaillir. Ils vont attaquer, se dit-elle. Le début de la fin.
    — Ce ne sont pas des canons chinois, affirme le sergent à côté de lui.
    — Que dites-vous ? questionne Patrick. Vous en êtes sûr ?
    — Sûr. Ce sont des feux de salve là-bas. J’ai aperçu la lueur des départs de feu de l’autre côté de la ville chinoise. Et, maintenant, écoutez, ce sont des rafales de mitrailleuses.
    Olympe entend distinctement des crépitements mécaniques et lourds qu’elle n’a jamais entendus du côté chinois.
    — On dirait que ça se rapproche, observe le sergent.
    — Les Boxers attaquent ? s’inquiète-t-elle.
    À sa grande surprise, Patrick lâche son fusil et la serre contre lui :
    — J’ai plutôt l’impression que ce sont les nôtres qui arrivent ! répond-il.
    Comme pour confirmer ces paroles, la canonnade redouble d’intensité et ils aperçoivent au loin les explosions des obus qui atteignent

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