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La reine du Yangzi

La reine du Yangzi

Titel: La reine du Yangzi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jacques Baudouin
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y a-t-il plus enivrant que de se lancer dans l’inconnu au bras d’un homme auquel on est prête à succomber ?
     

 
     
     
     
     
     
     
    30.
     
     
     
    — Je n’ai pas du tout envie de me marier, maman ! s’insurge Louis.
    Olympe sait qu’elle a fait une erreur en demandant à son fils s’il comptait prendre bientôt épouse. Elle se le reproche déjà, Louis est tellement susceptible.
    — J’ai trop à faire pour avoir le temps de convoler, explique-t-il. Et avec qui d’abord ?
    — On te voit souvent en ce moment avec cette Allemande, Greta Paulson, dit Olympe.
    — Juste un flirt.
    — Qui a l’air de durer…
    — Maman, Joseph et toi m’avez placé à la tête de la Compagnie, ce que je ne désirais pas vraiment. Mais par fidélité à notre nom et à mon père, je m’y suis mis et j’y ai pris goût. Maintenant, ne viens pas me reprocher de ne pas penser assez à la gaudriole. Notre affaire se développe considérablement, nous avons fait des investissements importants et je me consacre à cent pour cent au business. L’amour attendra et tu n’es pas près d’être grand-mère si c’est ce que tu veux savoir.
    — Je ne suis pas aussi pressée que cela, se défend Olympe, mais, comment dire, je ne voudrais pas que tu passes à côté d’une gentille fille si l’une d’elles croise ta route,mon chéri. Elles sont rares, surtout ici, et tu as déjà vingt-cinq ans. Le temps passe plus vite que tu ne le penses.
    — Papa avait trente ans quand tu t’es mariée avec lui. J’ai encore de la marge.
    Il n’a surtout aucune envie de lui avouer qu’il est l’amant caché de Deborah Alexander, l’épouse d’un de leurs banquiers, qu’il a séduite sans même s’en rendre compte et qui lui a ouvert le monde volcanique de l’amour physique. Ce flirt avec la fille Paulson n’est qu’une façade, un leurre qui entretient sa réputation d’aimable séducteur et lui permet de vivre en toute tranquillité ses amours clandestines. Il compte bien s’amuser ainsi le plus longtemps possible, du moins tant que Deborah ne se sera pas lassée de lui.
    Olympe ne répond pas, mais lui lance un petit sourire en coin, l’embrasse sur la joue et le laisse seul dans le bureau qui fut le sien autrefois. En regardant sa mère s’éloigner avec cette grâce aérienne que l’âge n’entame pas, Louis ne peut s’empêcher de l’admirer. Elle a quarante-sept ans, en paraît dix de moins et Louis doit reconnaître que l’amour d’O’Neill est pour beaucoup dans la sérénité épanouie que sa mère répand autour d’elle. Il ne les remerciera jamais assez, elle et Joseph Liu, de l’avoir mis au contact de la dure réalité des affaires et de lui avoir fait confiance. Grâce à eux, sa vision du monde est plus réaliste : alors qu’il expérimente quotidiennement le pouvoir de l’argent, il a le sentiment de plus en plus net qu’il a le devoir d’agir parallèlement pour améliorer le sort lamentable des ouvriers chinois.
    À la tête de la French Company qu’il agrandit comme jamais sa mère et Joseph n’auraient osé l’espérer, il se lance à corps perdu sur tous les marchés qui s’ouvrent à Shanghai, dans le Zhejiang et le Jiangsu. Quelque chose le pousse à aller de l’avant, à investir, à être audacieuxquitte à passer pour trop téméraire aux yeux des vieux Shanghailanders. Le commerce sur le Yangzi est de plus en plus florissant et les filatures, la fabrique d’eau gazeuse qu’il vient d’acheter dégagent déjà de bons bénéfices. Mais l’immobilier est devenu sa plus grande source de revenus. Louis s’est pris de passion pour le marché en pleine expansion des shikumen, dont sa mère fut la pionnière, et la Compagnie du Yangzi y occupe la première place. Les Chinois affluent de toute la province, attirés par le travail, les salaires et des conditions de vie meilleures.
    — C’est en les logeant décemment, en envoyant leurs enfants à l’école, en formant des professeurs, des ingénieurs, des médecins que nous aiderons le mieux les Chinois à se moderniser, a-t-il affirmé un jour à Joseph.
    — Certes, mais il faudrait le faire à l’échelle de tout l’Empire, a répondu le comprador. Or les résistances sont fortes au sommet de l’État : lorsque le ministre Kang Youwei a réussi à imposer ses réformes en juin 1898, il n’a pas tenu plus de cent jours. L’impératrice Cixi et les conservateurs l’ont chassé du pouvoir et ont exécuté

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