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La reine du Yangzi

La reine du Yangzi

Titel: La reine du Yangzi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jacques Baudouin
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faire tourner sa robe et pose ses mains sur sa gorge.
    — Pas du tout. Regarde, le décolleté est recouvert par un voile de dentelle. Elle est très bien, cette robe, pour une soirée chez les Japonais. Ils sont tellement coincés…
    Olympe doit reconnaître que sa fille a raison. Ajustée à la taille, sa robe de velours bleu nuit enveloppe son buste et ses bras comme une seconde peau avant de s’évaser gracieusement jusqu’à ses pieds. Laure est resplendissante. La masse de ses cheveux est retenue en torsade par une épingle d’argent et autour de son cou resplendit la rivière de diamants offerte par Joseph et Marie-Thérèse Liu pour ses dix-huit ans. Elle a pris soin de mettre des souliers qui ne la grandissent pas davantage afin de ne pas intimider par sa taille ceux qui l’inviteront à danser. C’est la première fois qu’ils sont conviés, elle et son frère, à la soirée que le directeur de la Yokohama Bank donne pour le nouvel an chinois, mais Louis ne l’accompagnera pas. Il a prétexté un dîner de travail avec un client pour se défiler : Laure sait bien qu’en réalité il emmène sa maîtresse, Deborah Alexander, dans une maison chinoise aussi discrète qu’éloignée des concessions pour une soirée passionnée. Laure l’a aperçue un jour sortant du bureau de son frère, légèrement décoiffée et les yeux brillants. Unetrès belle femme d’une trentaine d’années qui, lui a-t-il avoué, est l’épouse d’un banquier américain particulièrement occupé. De toute façon, Laure préfère se rendre seule à cette soirée, elle a le sentiment d’être plus libre même si Louis ne l’a jamais surveillée et qu’ils ont conservé leur complicité d’autrefois. Mais, parfois, il ne peut s’empêcher de se sentir responsable d’elle et de la mettre en garde contre ceux qui s’approchent trop près. Il oublie qu’elle a toujours dans son réticule son talisman, le couteau de son père.
    Depuis le départ de Marc Liu pour l’Amérique, Laure est courtisée par tout ce que Shanghai compte de jeunes prétendants, futurs héritiers des grosses sociétés commerciales ou industrielles, anglaise ou américaine, jeunes diplomates des consulats de France, de Hollande ou de Russie. Elle s’amuse à les séduire pour ne retenir que quelques rares élus avec lesquels elle engage un flirt plus ou moins poussé. Mais elle fait en sorte qu’ils restent sans lendemain. Ce qui lui vaut la réputation légèrement scandaleuse d’une fille volage qui cherche l’aventure plus que le mariage. En réalité, elle se désole qu’aucun d’entre eux ne la fasse vibrer comme elle l’attend. Sans doute le souvenir encore douloureux de son amour brisé pour Marc la retient-il de se livrer davantage bien qu’elle sache confusément qu’une autre raison, plus obscure, l’empêche de pousser plus loin son avantage : ce sont les Asiatiques qui l’attirent et non les Blancs. Elle s’en est rendu compte quand, au cours du dîner offert par le consul de France pour fêter le retour d’Olympe et de Patrick à Shanghai, ses yeux n’ont pu se détacher d’un jeune officier japonais assis de l’autre côté de la table. Et, si elle se rend ce soir à la soirée de la Yokohama Bank, c’est uniquement dans l’espoir de le revoir.
     
    Quand elle fait son entrée dans la villa illuminée, annoncée par un majordome, Laure attire tous les regards. Sa jeunesse éblouissante, la masse soyeuse de ses cheveux couleur de nuit, ses yeux ténébreux qui magnétisent ses interlocuteurs dès qu’elle les pose sur eux, son maintien de reine et sa froideur savamment calculée provoquent l’arrêt des conversations, des murmures ou des remarques acides qu’elle perçoit sans les entendre. Autant la réputation sans tâche de la Reine du Yangzi fait l’unanimité, autant celle de sa fille est plus contrastée. Les jeunes filles et les mères de la bonne société britannique lui reprochent sa légèreté apparente, son refus des convenances – « Comment ose-t-elle venir ici sans cavalier ? » entend-elle sur son passage –, sa séduction naturelle mais diabolique. Leurs fils et frères rêvent de percer le mystère de cette jeune Française, de briser sa réserve et d’en faire leur maîtresse ou leur épouse. Les vieux Shanghailanders, eux, la regardent passer avec émotion, comme un rêve de leur jeunesse enfuie quand ils voyaient danser sa mère dans les bras de son mari, le French Tycoon , et

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