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La Reine étranglée

La Reine étranglée

Titel: La Reine étranglée Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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par écrit. Aussi avons-nous présenté une
requête au roi, pour qu’il confirme nos privilèges coutumiers ; et dans ce
temps que le roi signe toutes les chartes qu’on lui présente, nous voudrions
bien qu’il approuvât aussi la nôtre. Après quoi, volontiers, Monseigneur, je
vous mettrai en main de quoi envoyer pendre ou brûler ou rouer, comme vous
choisirez, Marigny le jeune ou Marigny l’aîné, ou les deux à la fois… Une
signature, un sceau ; c’est l’affaire d’une journée, deux au plus, si Monseigneur
de Valois consent à s’en soucier. La rédaction est prête…
    Le géant abattit sa main sur la
table, et tout trembla dans la pièce.
    — Assez joué, Tolomei. Je vous
ai dit que nous ne pouvions point attendre. Votre charte sera signée demain, je
m’y engage. Mais donnez-moi ce soir l’autre parchemin. Nous sommes dans la même
partie ; il faudrait bien une fois me faire confiance.
    — Monseigneur de Valois n’est
point en mesure d’attendre une seule journée ?
    — Non.
    — Alors, c’est qu’il a fort
perdu dans la faveur du roi, et bien soudainement, dit lentement le banquier en
hochant la tête. Que s’est-il donc produit à Vincennes ?
    Robert d’Artois lui fit une brève
relation de l’assemblée et de ses suites. Tolomei écoutait, toujours balançant
le front. « Si Valois est écarté de la cour, pensait-il, et si Marigny
reste en place, alors adieu charte, franchise et privilèges. Le péril à présent
est grave…»
    Il se leva et dit :
    — Monseigneur, quand un prince
brouillon comme l’est le nôtre s’entiche vraiment d’un serviteur, on a beau lui
en dénoncer les méfaits, il le pardonnera, il lui trouvera excuse, et s’y
attachera davantage qu’il l’aura davantage couvert.
    — Sauf à prouver au prince que
les méfaits ont été commis à son endroit. Il ne s’agit point de dénoncer
l’archevêque ; il s’agit de le faire chanter… la muselière au nez.
    — J’entends bien, j’entends
bien. Vous voulez vous servir du frère contre le frère. Cela peut réussir.
L’archevêque, pour autant que je le connaisse, n’a pas une âme de bronze…
Allons ! Il y a des risques qu’il faut prendre.
    Et il remit à Robert d’Artois le
document que Guccio avait rapporté de Cressay.
    Bien qu’archevêque de Sens, Jean de
Marigny résidait le plus souvent à Paris, principal diocèse de sa juridiction.
Une partie du palais épiscopal lui était réservée. Ce fut là, dans une belle
salle voûtée et qui sentait fort l’encens, que le surprit la soudaine entrée du
comte de Valois et de Robert d’Artois.
    L’archevêque tendit à ses visiteurs
son anneau à baiser. Valois fit mine de ne pas remarquer le geste, et d’Artois
haussa vers ses lèvres les doigts de l’archevêque avec une si désinvolte
impudence qu’on eût cru qu’il allait jeter cette main par-dessus son épaule.
    — Monseigneur Jean, dit Charles
de Valois, il faudrait bien nous expliquer pour quelles raisons vous et votre
frère vous opposez si fort à l’élection du cardinal Duèze, en Avignon, de telle
sorte que ce conclave ressemble tout juste à un collège de fantômes.
    Jean de Marigny pâlit un peu, et,
d’un ton plein d’onction, répondit :
    — Je ne comprends point votre
reproche, Monseigneur, ni ce qui le motive. Je ne m’oppose à aucune élection.
Mon frère agit au mieux, j’en suis sûr, pour aider aux intérêts du royaume, et
moi-même je m’emploie à les servir, dans les limites de mon sacerdoce. Mais le
conclave dépend des cardinaux, et non de nos désirs.
    — C’est ainsi que vous le
prenez ? Soit ! répliqua Valois. Mais puisque la Chrétienté peut se
passer de pape, l’Archidiocèse de Sens pourrait peut-être aussi se passer
d’archevêque !
    — Je n’entends rien à vos paroles,
Monseigneur, sinon qu’elles sonnent comme une menace contre un ministre de
Dieu.
    — Serait-ce Dieu par hasard,
messire archevêque, qui vous aurait commandé de détourner certains biens des
Templiers ? dit alors d’Artois. Et pensez-vous que le roi, qui est aussi
le représentant de Dieu sur la terre, puisse tolérer en la chaire cathédrale de
sa maîtresse ville un prélat déshonnête ? Reconnaissez-vous ceci ?
    Et il tendit, au bout de son poing
énorme, la décharge remise par Tolomei.
    — C’est un faux ! s’écria
l’archevêque.
    — Si c’est un faux, répliqua
Robert, hâtons-nous alors de faire éclater la

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