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La Religion

La Religion

Titel: La Religion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Collectif
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c’était tout ce que je voulais être, et je pensais que c’était l’art le plus noble du monde. » Il haussa les épaules. « J’avais certainement raison. Mais cela ne devait pas se passer ainsi. J’ai perdu le peu de génie que j’avais, mais cela me fait plaisir de ferrer un cheval de temps en temps, ou de travailler un morceau de métal dans la braise. » Orlandu allait lui demander pourquoi il ne devait pas en être ainsi quand Tannhauser dit : « Vois comment la couleur vire. » Il pointa le doigt vers un établi. « Passe-moi ce marteau. »
    Tannhauser saisit le casque avec des pinces, plaça la portion rougie sur la corne de l’enclume et commença à le travailler à quatre pouces de sa couronne.
    « Après avoir perdu le mien dans le port la nuit dernière, je n’ai pas réussi à en trouver un seul qui m’aille. » Il leva le nez de l’enclume. « Tu es un bon nageur. Et fort, avec ça. »
    Orlandu en rougit presque. « Je pourrais vous apprendre », dit-il.
    Tannhauser sourit et se remit à marteler. « Je serais prêt à dire oui, mais pas dans le peu de temps qu’il nous reste. Pourrais-tu traverser la baie jusqu’à Saint-Ange, comme le font les messagers ?
    – Oh oui, facilement. » Facilement, c’était exagéré, mais il pouvait le faire.
    Tannhauser remit le casque sur les charbons et pompa les soufflets. « Alors c’est cela que tu vas devoir faire. Ce soir. »
    Orlandu le regarda. Les yeux bleus sauvages étaient ardents. Orlandu se sentit mal, sans savoir pourquoi. Il fit non de la tête.
    « Je te l’ordonne », dit Tannhauser.
    Orlandu sentit une pression dans sa poitrine à laquelle il ne pouvait résister. Il dit : « Non.
    – Tu n’en as pas eu assez de la bataille ? De la fatigue et de la saleté ?
    – Je vous sers, dit Orlandu en faisant un pas en arrière.
    – C’est un bon début. La première règle, quand on sert, c’est d’obéir.
    – Je ne suis pas un lâche. » L’étrange panique qui saisissait son ventre, la chaleur à l’intérieur de son cœur étaient telles que cette affirmation lui sembla mensongère. Il était submergé de peur.
    « Rien ne pourrait être plus clair. Mais pourtant, il faut que tu partes.
    – Pourtant, je n’irai pas.
    – Tu as l’étoffe d’un bien pauvre soldat. »
    Les mots paraissaient insultants, mais Tannhauser les prononça d’un ton approbateur. Il transféra l’acier rougeoyant sur l’enclume et ne dit plus rien pendant un moment, perdu dans son forgeage, étendant le nouveau renflement autour de la circonférence du casque et aplatissant sur les bords l’acier ramolli par la chaleur. Orlandu priait pour avoir cause gagnée, et pour ne pas être banni loin de Tannhauser. La perspective d’un tel exil l’emplissait d’une horreur si intense qu’il avait envie de vomir. Rien de ce qu’il avait ressenti en rampant le long du rempart n’approchait la terreur qui l’emplissait maintenant. Il observait les mains de Tannhauser, emporté par le rythme hypnotique du marteau et la soumission graduelle de ce qui n’était pas conçu pour céder.
    « Il faut de la terre, de l’eau, du feu et du vent pour faire l’acier, dit Tannhauser. C’est en cela que réside sa force. Mon père me disait que Dieu a forgé les hommes des mêmes matériaux, mais simplement selon des proportions différentes. Ce sont les proportions allouées à chacun d’eux qui déterminent la qualité d’un acier. Ce casque doit être dur, mais non flexible, et donc la chaleur que nous employons est douce et nous ne le tremperons qu’une seule fois. Mais une épée doit plier sans se rompre ni perdre sa condition, et un canon de mousquet doit contenir les explosions qu’on relâche dedans, et donc ces aciers requièrent diverses techniques et des proportions qui leur sont propres. C’est ainsi que cela va. Tu comprends ? »
    Tannhauser le regarda et Orlandu acquiesça, se lamentant encore de son ignorance mais excité par la pensée de tels mystères. Sa terreur s’effaçait.
    Tannhauser poursuivit. « Résoudre ces énigmes – comment assortir la plus apte d’une infinité de proportions possibles à un but particulier – a été un travail millénaire, passant de père en fils, et de maître à disciple, chacun, avec un peu de chance, apprenant plus que le précédent. Et ainsi devrait-il en être du mélange de ces éléments qui font la trempe d’un homme.

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