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La Religion

La Religion

Titel: La Religion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Collectif
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pour recharger ce dernier, il rampait le long de l’enceinte derrière les piquiers, tirant d’une embrasure ou d’une autre, et prélevant un horrible tribut parmi les officiers du pacha Mustapha. Il tira une demi-douzaine de fois sur le pacha lui-même, qui dirigeait ce théâtre de démence du haut du ravelin, avec Torghoud Rais à ses côtés. Mais Allah devait protéger ce commandant rabougri, car Tannhauser réussit à abattre trois de ses gardes aux pieds même de Mustapha mais ne parvint jamais à le descendre. Et personne d’autre non plus.
    Pour Orlandu, porter douze livres de mousquet, un sac de dix livres de balles et un lourd flacon de poudre était à peine moins brutal que de traîner la bassine de soupe, et de loin bien plus onéreux en terreur. Il fallait vingt-deux étapes pour charger et tirer un coup de mousquet, et vingt et une lui incombaient. Sous le feu ennemi, le jeu devenait un cauchemar. Les surcharges et les doubles charges, dont le recul manqua faire tomber son héros du chemin de ronde, lui valurent malédictions et gifles. Les hampes des piques et les coups de coude des lanciers étaient aussi inattendus qu’avant. Et le canon surchauffé du mousquet lui dépeçait les mains. Des étincelles tombaient en ruisseaux sur le col de sa cuirasse, qui le cuisait comme un four. La poudre noire lui piquait les yeux et la fumée lui pelait la gorge. Par moments, il se retrouvait pris de sanglots parce que ses doigts avaient lâché le flacon de poudre. Il n’avait pas le droit de tirer, parce qu’il gaspillerait une précieuse balle. Mais malgré ses coups de colère, Tannhauser le traînait partout. Avec un mot d’encouragement, ou un conseil rapide. Avec une claque sur le dos ou un sourire encrassé. Avec une plaisanterie et un éclat de rire. Avec des moments d’inattention où son regard était empreint d’une affection qu’Orlandu n’avait jamais rencontrée, de sa vie entière.
    Le maelström roula autour des murs chancelants, d’un bout à l’autre du jour. Quand la ronde tachetée de sang finit par se fondre en une nouvelle moisson de morts boursouflés, les musulmans s’inclinèrent devant la volonté d’Allah et se retirèrent, et les défenseurs s’agenouillèrent près de leurs armes et prièrent le Christ. Orlandu n’avait plus le moindre souffle à consacrer au Seigneur. Il se tassa près d’un créneau, le mousquet en travers des cuisses, et s’assoupit instantanément. Avant qu’il ne puisse rêver, une main le releva et le tint, fermement, jusqu’à ce qu’il retrouve ses esprits. Tannhauser prit les deux longs mousquets au creux de son bras. Ses yeux étaient des gouffres d’ombre dans son crâne.
    « Viens, garçon, dit-il. Tiens-moi compagnie pendant que je mange. »
     
    CE SOIR-LÀ, TANNHAUSER sombra dans la mélancolie et parla peu. Dès qu’il eut fini son repas, Orlandu s’endormit à même le sol, là où il était assis. Il s’éveilla d’instinct, dans le silence des premières heures, et vit la longue silhouette de Tannhauser traverser la cour au clair de lune. Le sommeil rappelait Orlandu, et son corps perclus de douleurs le suppliait de faire attention, mais quelque chose de plus fort le poussa à se lever et il le suivit, cheminant avec soin entre les boulets de canon qui jonchaient le sol.
    Orlandu le rejoignit à la porte de l’atelier d’armurerie. Tannhauser portait un casque et une lampe, et il parut amusé et presque heureux de le voir. Ni l’un ni l’autre ne proféra un mot en entrant, et là Tannhauser s’arrêta pour respirer les odeurs, qui étaient de toile à sac, de graisse d’ours, de cendres et de charbon, et notablement saines après les miasmes pestilentiels qui régnaient à l’extérieur. Orlandu le regarda s’approcher de la forge, baisser la lampe et la barre et dégager les cendres jusqu’à un résidu de braises d’un rose corail. De celles-ci il fit jaillir les flammes et il appela Orlandu pour qu’il active les soufflets – doucement d’abord –, puis il lui montra comment nourrir la braise et bâtir le lit de charbon, et une fois de plus Orlandu fut intimidé par son expertise et se sentit écrasé de honte d’être un tel ignorant. Tannhauser dépouilla le casque de son rembourrage et le posa sur les charbons, et ils observèrent la couleur filtrer dans l’acier.
    « Quand j’avais ton âge, dit Tannhauser, c’était le métier auquel je me destinais. Un forgeron,

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