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La Religion

La Religion

Titel: La Religion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Collectif
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un aveugle le don de la vue. Il lui avait refusé beaucoup d’autres choses. Amparo avait été touchée – par le génie, la folie, le diable, ou un complot des trois et d’autres encore. Elle ne recevait aucun sacrement et paraissait incapable de prier. Elle avait horreur des cloches et des miroirs. À l’entendre, elle parlait avec les anges et pouvait percevoir les pensées des animaux et des arbres. Elle manifestait une tendresse passionnée pour toutes les choses vivantes. Elle était un rayonnement d’étoile enfermé dans de la chair, attendant simplement le moment où il poursuivrait son voyage vers l’éternité.
    « C’est l’heure de jouer ? demanda Amparo.
    – Non, pas encore.
    – Mais nous jouerons.
    – Bien sûr.
    – Tu as peur de quelque chose.
    – Seulement de ta sauvegarde. »
    Amparo tourna les yeux vers les roses. « Je ne comprends pas. »
    Carla hésita. L’habitude de s’occuper d’Amparo était si profondément ancrée en elle que lui demander d’entrer dans un repaire de voleurs semblait criminel. Pourtant Amparo avait survécu aux ruelles de Barcelone, à une enfance de violence et de privations que Carla n’osait même pas imaginer. La lâcheté ne faisait pas partie des défauts d’Amparo, même si, au fond de son cœur, Carla l’éprouvait en elle-même.
    Carla sourit. « La lumière de l’étoile a-t-elle besoin d’avoir peur du noir ?
    – Pas du tout, dit Amparo en fronçant les sourcils. C’est une devinette ?
    – Non. J’ai besoin que tu fasses quelque chose pour moi. Quelque chose de la plus grande importance.
    – Tu veux que je retrouve l’homme sur le cheval d’or. »
    La voix d’Amparo était douce comme pluie. Elle voyait le monde comme le perçoit un mystique. Carla était si familière avec le verre déformant de l’imagination d’Amparo qu’elle ne le trouvait plus du tout si anormal. Elle dit : « Son nom est Tannhauser.
    – Tannhauser, répéta Amparo, comme si elle testait la perfection d’une cloche sortant du moule. Tannhauser. Tannhauser. » Elle parut satisfaite.
    « Je dois lui parler aujourd’hui. Le plus tôt possible. Je veux que tu te rendes au port et que tu le ramènes ici avec toi. »
    Amparo hocha la tête.
    « S’il refuse de venir… poursuivit Carla.
    – Il viendra, la coupa Amparo, comme si toute autre issue était impensable.
    – S’il ne veut pas venir, demande-lui s’il peut me recevoir, le plus tôt possible, mais il faut que cela soit aujourd’hui, tu comprends. Aujourd’hui.
    – Il viendra. » Le visage d’Amparo brillait d’une joie mystérieuse qui était ce qui se rapprochait le plus d’un sourire pour elle, et qui, à sa façon, était bien plus qu’une simple compensation.
    « Je vais dire à Bertholdo de préparer le carrosse.
    – Je déteste le carrosse, répliqua Amparo. Il n’y a pas d’air et c’est lent et cruel pour le cheval. Les carrosses sont un non-sens. J’irai à cheval. Et si Tannhauser ne veut pas revenir avec moi, c’est qu’il n’est pas l’homme qui marchera sur le fil du rasoir. Et donc, pourquoi voudrais-tu qu’il te reçoive plus tard ? »
    Carla savait pertinemment qu’il était inutile d’argumenter. Elle acquiesça. Amparo commença à s’éloigner, puis s’arrêta et la regarda. « Pourrons-nous jouer quand je reviendrai ? Dès mon retour ? »
    Il existait deux éléments invariables dans les journées d’Amparo, sans lesquels elle sombrait dans le chagrin : l’heure qu’elles passaient ensemble chaque après-midi à jouer de la musique, et la séance consacrée à son tube divinatoire chaque soir. Elle se rendait également à la messe tous les matins, mais plutôt pour accompagner Carla que mue par un quelconque sens de la piété.
    « Pas si Tannhauser est avec toi, dit Carla. Ce que j’ai à lui dire est très urgent. Pour une fois, notre musique devra attendre. »
    Amparo parut stupéfaite par sa stupidité. « Mais tu dois jouer pour lui. Tu dois jouer pour Tannhauser. C’est pour lui que nous travaillons depuis si longtemps. »
    Elles jouaient depuis des années, c’était donc complètement absurde et, de toute manière, Carla trouvait l’idée impensable. Amparo vit son doute. Elle prit les mains de Carla et les leva comme si elle faisait danser une enfant.
    « Pour Tannhauser ! Pour Tannhauser ! » Une fois encore elle fit tinter son nom comme une cloche. Son visage

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