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La Religion

La Religion

Titel: La Religion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Collectif
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la conception et la construction du nouveau rempart intérieur presque brique par brique. Il avait achevé une nouvelle vérification des réserves de nourriture et de vin dans les cavernes sous la ville. Il avait ensuite refait ses calculs, deux fois, et, sur cette base, il avait doublé les rations des bataillons d’esclaves, ce qui lui permettait maintenant d’extraire de leurs corps deux heures de travail supplémentaires par jour. Il avait ordonné qu’on creuse des fosses communes sur L’Isola et qu’on les couvre de claies d’osier pour empêcher qu’on ne s’en inquiète. Il faisait des tournées quotidiennes, au hasard des heures, à l’hôpital, dans les bastions des différentes langues, sur les emplacements des batteries de canons, au marché et dans les armureries. Son charisme austère et viril donnait à tous ceux qu’il approchait la force d’endurer. Son comportement religieux soutenait et nourrissait leur fidélité, car il était le défenseur de la foi faite homme. Dans son visage buriné par les intempéries, qui semblait de plus en plus taillé dans le bronze, ils voyaient une absence absolue de doute de soi, et une parfaite absence de pitié. Les pendaisons quotidiennes de musulmans prisonniers de guerre leur rappelaient que s’ils craignaient le Turc, ils devaient craindre le grand maître bien plus encore.
    En regardant ses frères mourant de l’autre côté de l’eau, La Valette avait l’air aussi serein qu’un portrait de Jérôme. Il savait que l’épopée de Saint-Elme n’était qu’un prélude au combat bien plus grand qui allait suivre – pour L’Isola et le Borgo. C’était un de ces moments où Starkey trouvait le sang-froid de La Valette inquiétant. Presque inhumain.
    « Les poètes grecs, dit Starkey, utilisent le mot ekpyrosis pour décrire leurs héros. Achille, Diomède, Ajax. Cela signifie être consumé par le feu.
    – Nos héros ne sont pas encore consumés, dit La Valette. Écoute… »
    Des trompes turques résonnaient du haut du mont Sciberras, lourdes d’angoisse dans le crépuscule cramoisi. Les chevaliers retenaient leur souffle. C’est alors que des murs effondrés de l’autre côté de la baie jaillit un chœur de cris épuisés. Starkey avait peine à le croire.
    « C’était un hourra ? » demanda-t-il.
    Le cri de joie s’éleva encore une fois des remparts enfumés. Les voix des frères condamnés percèrent le cœur de chacun des hommes debout sur le parapet du toit de Saint-Ange. Certains se mirent à pleurer sans en ressentir la moindre honte. Tandis que les Turcs se retiraient, remontant sur la colline, La Valette se tourna vers Starkey, et Starkey comprit qu’il avait été un peu dur, car les yeux du vieil homme aussi étaient embués de larmes.
    « Même les anciens n’ont pas connu des hommes comme ceux-ci », dit La Valette.
     
    POUR PARFAIRE L’APOGÉE de son stratagème, Tannhauser enterra ses cinq dernières livres d’opium, ainsi que son bracelet d’or russe, sous une pierre dans le sol de la forge. Il fit disparaître tout signe de cette modification avec des cendres et de la paille. Il avait déjà caché son mousquet à mécanique et sa clé dans une des poutres fendues de la voûte du Solaire, avec de la poudre et des balles. Il prit la dernière bouteille de brandy de son sac et sortit dans la cour, profitant de la blessure de sa hanche. Le plomb turc était toujours dans sa chair, mais comme des centaines d’hommes horriblement blessés couvraient les dalles devant la chapelle, il ne se sentait pas en position de braver les chirurgiens. De toute manière, cette blessure non soignée pouvait s’avérer très utile à sa fuite.
    Au milieu de ce vaste espace libre, un bûcher brûlait, dans lequel les chevaliers jetaient tout ce qui aurait pu avoir de la valeur pour les Turcs. Nourriture, bois, meubles, tapisseries, cerceaux pour les feux grégeois, manches de piques, arquebuses ; et même les icônes sacrées et tout le bazar qui pouvait être profané par ces monstres. C’était le signe le plus évident que Saint-Elme était près de sa fin. La cloche de la chapelle sonnait et les ténèbres avalaient les grandes flammes qui montaient en crépitant. Une étrange sensation de paix régnait sur cette nuit.
    Orlandu retrouva Tannhauser près de l’énorme bûcher. En dehors de ses braies, il était nu, et son corps décharné, son visage sale et ses grands yeux noirs le

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