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La Religion

La Religion

Titel: La Religion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Collectif
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sa gorge, puis le regarda à nouveau.
    « Pour un Allemand, dit-il, tu es l’homme le plus couillu que j’aie jamais rencontré. Si tu étais français, tu serais l’égal de La Valette lui-même.
    – Ainsi, j’ai ta bénédiction.
    – Bon vent, dit Le Mas en lui passant la bouteille.
    – Dis-moi, demanda Tannhauser, combien d’esclaves turcs avons-nous encore ?
    – Je dirais pas plus d’une douzaine, pourquoi ? »
    Tannhauser avala une gorgée. « S’ils sont libérés, on les retrouvera en train de saper les murailles du Borgo d’ici la fin du mois. Peut-être même en première ligne turque.
    – Très vrai, accorda Le Mas. Un détail qui m’a échappé. Et ce serait vraiment dommage qu’un de ces porcs puants trahisse ton stratagème, non ? » Il regarda Tannhauser. « Peut-être plus que dommage.
    – Une catastrophe, dit Tannhauser.
    – Merveilleux, dit Le Mas en renversant sa tête en arrière pour éclater de rire. Merveilleux. Dieu me pardonne, mais j’aime les hommes qui n’ont aucun scrupule à propos de la guerre. Après tout, sans eux, comment pourrions-nous mener la moindre guerre ? » Il reprit la bouteille, et son geste le fit grimacer de douleur. « Tranquillise-toi. Je les ferai tous mettre à mort, après le petit déjeuner. »
    Tannhauser apaisa sa conscience en se disant que les prisonniers condamnés auraient au moins le temps de dire leurs prières matinales. Il l’apaisa encore plus en sortant deux des pierres d’immortalité. Il fit miroiter leurs paillettes d’or sous les yeux de Le Mas, lui expliquant leurs propriétés, à la fois soulageantes et mystiques, et ils en firent passer une chacun d’un coup de brandy, puis ils restèrent assis à contempler les majestueuses constellations tournant dans le ciel au-dessus d’eux. La Grande Ourse se dirigeait vers le nord. Vers le sud, le Scorpion étincelait. Une demi-lune parfaite s’était levée dans le Verseau. Tannhauser – comme à son habitude à chaque fois que les trames des augures pouvaient être lues – vit un présage favorable dans cet enchaînement stellaire. Songeant à son propre sort, il pensa qu’il allait en avoir besoin.
    Partout dans la cour intérieure, ce qui restait de la garnison était allongé sur le sol, chaque homme méditant sur la certitude que ce serait sa dernière nuit sur terre. Le crépitement du bûcher cessa et un baume de silence recouvrit les deux vieux amis, un silence dans lequel ils pouvaient se croire les deux derniers hommes vivants en ce bas monde. Ils joignirent leurs mains et leurs bras dans l’obscurité, et ce fut un réconfort sans limite pour chacun, puis Le Mas se mit à chanter dans sa barbe un psaume de David et des larmes roulèrent sur les cicatrices qui couvraient son visage pendant qu’il se mettait en paix avec Dieu. Au bout d’un moment, le brandy et l’opium eurent raison d’eux. Le Mas s’assoupit. Désormais seul, ou du moins se sentait-il ainsi, emmailloté dans la nuit, Tannhauser fixa le firmament et glissa dans une transe bienheureuse apportée par les étoiles et l’éternité.
    Et dans cette transe, il se demanda comment il pouvait bien se faire que, dans un univers aussi beau que celui-ci, on ait réservé un peu d’espace pour ceux de son espèce.

SAMEDI 23 JUIN 1565
    La chute de Saint-Elme
    TANNHAUSER SE CONSIDÉRAIT comme fortuné de s’être laissé aller au réconfort de l’opium la nuit précédente. Ses effets apaisants se poursuivaient et rendaient presque possible la difficile tâche de garder son sang-froid. Cet avantage était plus que bienvenu car, ce matin-là, les Turcs renoncèrent à leur bombardement coutumier. Les canons de siège placés sur les hauteurs ouvraient leurs museaux décorés de dragons dans le plus parfait silence. La dernière bataille de Saint-Elme allait se livrer pied à pied et au corps à corps avec l’acier des lames.
    Quarante et quelques chevaliers de langue italienne et des trois langues françaises, une centaine de tercios espagnols environ et deux cents fantassins maltais montèrent former un carré sur les pierres noircies de sang de la brèche sud. Juan de Guaras et le capitaine Miranda, tous deux trop sérieusement blessés pour se tenir debout, réquisitionnèrent les fauteuils que Tannhauser et Le Mas avaient occupés, et se firent attacher aux dossiers. Les fauteuils et leurs occupants mutilés furent hissés jusqu’au sommet du talus de

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