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La Religion

La Religion

Titel: La Religion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Collectif
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folie et d’horreur avait été conçu par des hommes et des mots, des mots pervertis des propres lèvres des dieux, et tous les mots étaient ici mensonges et ils n’en avaient nul besoin.
    Il l’amusa de quelques petites niaiseries et ils rirent, leurs peaux collées de sueur, se caressant mutuellement avec l’émerveillement de simples d’esprit. Il fit griller sur les braises des tranches de pain saupoudrées de sucre et ils mangèrent. Il fit bouillir du thé dans un vieux casque et ils burent. De ses lèvres, elle explora les tatouages de ses bras et de ses jambes. La roue à huit rayons, le sabre Zulfikar, les croissants de lune et les versets sacrés. Elle lui chanta une chanson dans un dialecte qu’il ne comprenait pas mais dont il percevait le sentiment. Il récita des gazels érotiques en turc tout en l’excitant de ses doigts. Ils firent l’amour encore une fois et quand ce fut fini, ils restèrent allongés, comblés, sur la paillasse, regardant la lumière rouge des braises diminuer peu à peu.
    Au bout d’un certain temps, il sentit des gens se mouvoir dehors et il s’approcha, nu, pour regarder discrètement. À l’autre extrémité de la cour, des moines en armure se dirigeaient bruyamment vers la chapelle pour leurs prières d’avant l’aube. Peu d’entre eux ne boitaient pas et beaucoup s’appuyaient sur des manches de piques ou sur l’épaule d’un camarade. La nuit était presque achevée et son sortilège n’allait pas tarder à se rompre, et ce qui avait semblé une éternité s’avérait maintenant n’avoir duré qu’un instant. Comme un illusionniste de carnaval, le temps avait fait jouer son paradoxe, une fois de plus.
    Il revint près de la forge, s’habilla et enveloppa Amparo dans le manteau rouge. Il la souleva, elle mit ses mains en coupe de chaque côté de son visage et il la porta dehors sous les étoiles et à travers la cour dévastée. En marchant, il avait l’impression de tenir dans ses bras un être venu d’un autre monde, où la violence n’avait pas de prise, où tout ce qui vivait était aimable, et il lui semblait qu’elle ne pesait pas plus que la brise. Il lui fit passer la poterne, descendre l’escalier escarpé taillé dans le roc, jusqu’au quai. Il l’embrassa, la regarda et il ne voulait pas la laisser partir. Mais elle devait partir, et avant l’aube et les mousquets turcs qui rendraient sa traversée par trop dangereuse. Il la déposa sur les dalles et elle ne fit pas d’histoires.
    « Je te protège, dit-elle. Tu le savais ?
    – J’ai senti ton souffle dans mon cou une fois ou deux », répondit-il.
    Elle caressa son visage, sa barbe, ses lèvres, les yeux sombres et liquides.
    « Je t’aime », dit-elle.
    Sa gorge se serra. Il ne répliqua pas et il ne savait pas pourquoi. Il ne savait pas comment le faire. Amparo retira le manteau et le laissa tomber sur le quai. Pendant un moment elle se tint debout devant lui, nue et pâle comme de l’ivoire. Il l’embrassa à nouveau puis desserra son étreinte. Alors elle se retourna et plongea, s’éloignant dans des lueurs d’écume, et Tannhauser regretta de ne pas en avoir dit plus.
    De la chapelle parvinrent des chants, des montagnes s’éleva l’appel du muezzin, et à l’est l’indigo se fit plus pâle au-dessus de San Salvatore. Ainsi tournait le monde, mais pas Tannhauser. Il resta debout là, à regarder l’étendue de la baie, bien longtemps après que la fragile silhouette d’Amparo avait été avalée par la fin de la nuit.

VENDREDI 22 JUIN 1565
    Saint-Elme – Saint-Ange – La cour
    LE VIOLENT CIRQUE de meurtres et de prières reprit à l’heure du loup et fit rage durant tout un autre jour brûlant. Les Turcs se vautraient dans un fossé de corps en putréfaction et de viscères répandus, leurs pieds crevant des ventres distendus qui explosaient parfois en flammes à cause des vapeurs délétères. Quand le soleil passa son zénith, les armures chauffées comme des fours luisaient et fumaient, maculées de sang. Des hommes s’évanouissaient, cherchant de l’air dans cette puanteur, leurs cervelles brûlant dans leurs crânes, et pris de spasmes ils mouraient. Et si le diable regardait tout cela, il devait se frotter les mains car, même dans son propre domaine, aucun spectacle ne pouvait être aussi démoniaque que celui-là.
    Tannhauser souhaitait que la dernière heure du fort advienne, car avec elle – selon ses plans –

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